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— Celui d’aller regarder, quand on en a le temps, les pastels de Latour, réplique en riant Marcelle ; mais une ménagère occupée, comme doit l’être notre amie, ne sort guère de chez elle.

— Oui ! une seule bonne au logis, un intérieur étroit dans une maison bourgeoise et triste, et des devoirs à rendre, en outre ! Ménager les supérieurs du mari, respecter une hiérarchie, faire ses robes soi-même. Mais tout cela résume mon idée du malheur ! s’écrie Berthe en levant les bras au ciel.

Claire et Kate sont absolument du même avis.

— Il y a une petite compensation, fait observer Marcelle, c’est qu’elle n’a eu besoin ni d’acheter son mari ni de se vendre par vanité.

— Comme vous posez brutalement les choses, ma chère ! Si l’on prenait vos paroles à la lettre, toute espèce de mariage deviendrait impossible, en effet. Les filles riches auraient peur d’être épousées pour leur dot, et les filles pauvres refuseraient de faire les concessions nécessaires. Ce serait la fin du monde ! Il y a, Dieu merci, d’autres exemples à l’encontre de vos théories. Tenez, Pauline Leferron. Son vieux mari la gâte, comme s’il était son grand-père, et il est bien conservé, très présentable à mon avis.

— Je n’aime pas les conserves, dit brièvement Claire.

Kate, qui est orpheline, recueillie par une tutrice ennuyeuse qu’elle brûle de quitter, hoche la tête :

— Moi non plus, cependant la concession la plus facile à faire, comme dit marraine, est encore celle de l’âge.

— Pourquoi n’ajoutez-vous pas, dit Marcelle en riant à demi, celle de la santé ? Le mari podagre prend l’habitude de rester au coin de son feu et on va seule partout, avec les agrémens du veuvage.

— Comme elle devient amère, cette Marcelle ! Cela n’empêche que le mariage, pour être l’association bien entendue sur laquelle doit se fonder une famille, — Berthe Reboulet parle sentencieusement, en pinçant les lèvres, — le mariage sérieux, enfin, est parfaitement représenté par un dicton de ma vieille bonne. Oh ! ce n’est pas un précepte de morale, mais c’est pratique : « Donne-moi de quoi que t’as, j’te donnerai de quoi que j’ai. »

Et toutes, de rire.

— Excellent principe, déclare Kate. Je me représente volontiers une manière de pique-nique où chacun apporte son plat.

— Car enfin, reprend Claire de Vende, il faut bien en con-