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britannique, afin de se gouverner eux-mêmes, selon leur foi. Ils se confiaient entièrement en Dieu tout-puissant, juste et miséricordieux.

Désormais les Voortrekkers allaient s’exiler du monde civilisé et affronter tous les périls de l’inconnu. Il n’y avait plus, devant eux, aucune route tracée ; ils devaient se frayer un chemin à travers les plaines et les rivières, les monts et les vallées. Et, en face de toutes ces difficultés, ils n’avaient à compter que sur eux-mêmes, car la plupart n’avaient pas de serviteurs : à la suite de l’abolition de l’esclavage, il n’y avait eu qu’un petit nombre d’affranchis qui fussent demeurés attachés à leurs maîtres au point de les suivre dans leur aventureux exode. Les émigrans devaient donc charger leurs enfans des besognes les plus servies et confier à leurs propres filles le soin du bétail ou la conduite des wagons. Et, tout en vaquant à ces humbles travaux, ces enfans du grand trek apprenaient à lire et à écrire, et, cette jeune génération, grandie au milieu des obstacles et des combats, allait former cette race d’hommes héroïques et de femmes fortes qui devaient opposer plus tard à la toute-puissante Angleterre la résistance que nous voyons.

La grande préoccupation des Voortrekkers était, au milieu de leur pauvreté, de trouver des subsistances et de nourrir leur bétail. Heureusement la contrée était riche en prairies, on y trouvait de l’eau en abondance, et les plaines étaient giboyeuses. La chasse était pour eux une agréable diversion, et ils s’y livraient autant pour subsister que pour se défendre contre les animaux féroces. Ils acquirent ainsi cette adresse merveilleuse qui en fait les meilleurs tireurs du monde. Pendant la nuit, ils tenaient des feux allumés, de peur que les lions ne vinssent enlever le bétail dans les enclos construits avec des branches d’épines. Ils organisaient souvent des parties de chasse contre ces hôtes dangereux, et ils en tuèrent des centaines au cours de leur exode. Au nombre de ces chasseurs était Paul Kruger, aujourd’hui président du Transvaal.

Les intrépides Voortrekkers se dirigèrent vers le Nord, à travers le territoire qui est devenu l’État libre d’Orange. Cette contrée était alors presque déserte. La plupart des tribus cafres y avaient été exterminées d’une façon systématique par Chaka, le fameux chef zoulou qui, après avoir conquis le Natal, avait porté la guerre dans les régions situées de l’autre côté du Drakensberg :