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propose alors à Potgieter un plan de bataille suivant lequel le premier prendrait les noirs de front, tandis que le second les attaquerait par la gauche. Cette imprudente tactique devait être fatale aux Boers, en amenant la division de leurs forces. Le vigoureux assaut de Piet Uys fit fuir les Zoulous dans toutes les directions, et le chef, en s’élançant à leur poursuite, s’éloigna de plus en plus de Potgieter, et ses forces s’éparpillèrent. C’est ce qu’attendaient les Zoulous. Au moment propice, une foule d’ennemis surgirent des fossés où ils se tenaient cachés et entourèrent Piet Uys, sans que Potgieter, qui se trouvait complètement séparé de lui, pût lui venir en aide. Uys et les siens étaient dans une situation fort critique, acculés qu’ils étaient au pied d’une montagne escarpée, et entourés de tous côtés par des milliers de Zoulous qui effrayaient les chevaux en frappant sur leurs boucliers de peau. Ils prirent alors la résolution désespérée de se frayer un chemin à travers l’ennemi et de fuir en combattant. Ce fut une terrible mêlée, dans laquelle périrent une dizaine de braves. Piet Uys, tout en déployant la plus grande bravoure, fut blessé à mort par une assagaie. Affaibli par la perte de son sang, il supplia ses amis de le descendre de son cheval et de l’abandonner à son sort. « Je dois mourir ici, leur dit-il. Vous ne pouvez plus rien pour moi. Sauvez-vous, combattez en braves, et que Dieu vous garde ! » Ses compagnons, au nombre d’une centaine, l’abandonnent, le cœur brisé, emmenant avec eux son jeune fils Dirk, âgé de quinze ans à peine. Tandis qu’ils s’éloignent, Dirk se retourne et voit le mourant qui a encore la force de lever la tête comme pour défier la foule des guerriers qui l’entourent. A la vue des armes lâchement levées sur cette tête si chère, le pauvre garçon ne songe plus un instant à son propre salut, il tourne bride et, tout seul, se précipite au-devant d’une mort certaine, 11 tue de sa main trois Zoulous, puis tombe de sa selle criblé de coups de lance et meurt dans les bras de son père. Ce garçon de quinze ans, sacrifiant sa vie dans le vain espoir de secourir son père mourant, est une des plus touchantes figures de l’histoire des Boers,

Tandis que les Boers reprennent tristement le chemin du Natal, sans avoir pu rien accomplir, ils reçoivent la décourageante nouvelle que les Anglais, dans leur campagne du Zoulouland, ont essuyé de plus terribles revers encore. Les Zoulous avaient eu recours à la même tactique qui leur avait si bien réussi avec les Boers : à l’approche des Anglais, ils avaient pris la fuite comme