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Ce départ eût fort compromis la situation des Voortrekkers, si, quelque temps après, le vide n’avait été comblé par l’arrivée de Carel Landman, qui amenait avec lui 39 familles d’émigrans, et qui fut bientôt suivi par un homme de grande valeur, le fameux Andries Pretorius. Son arrivée rendit l’espoir aux Yoortrekkers, et ce fut lui qu’ils élurent comme commandant général chargé de venger la mort de Relief. Ils firent tous les préparatifs pour mettre sur pied une imposante expédition contre Dingaan, et une troupe de 464 cavaliers se trouva bientôt équipée ; instruits par l’expérience, ils résolurent de ne pas se contenter de marcher à cheval, mais d’emmener aussi un grand nombre de wagons qui devaient servir, en cas d’attaque, à former un laager où ils pourraient se fortifier. Le 28 novembre, 57 wagons furent réunis sur la rive nord de la Tugela. Tout était disposé en excellent ordre et sous une forte discipline. Pretorius édicta un règlement qui assignait à chacun son devoir. Chaque nuit, on devait se réfugier dans le laager, qui était gardé par des sentinelles. Quand, le 7 décembre, ils arrivèrent à Danskraal, Sarel Cilliers monta sur un chariot, adressa à tous ces braves un superbe appel religieux et leur fit jurer en leur nom et au nom de leurs générations futures que, si Dieu leur accordait la victoire sur leurs ennemis, ils fêteraient à jamais cette victoire comme un anniversaire de reconnaissance. Tous le jurèrent en élevant les mains vers le ciel et renouvelèrent chaque jour leur serment. Le 15 décembre, ils arrivèrent à Bloedrivier, et, comme ils avaient vu des Zoulous dans le voisinage, ils s’y retranchèrent dans un laager, qu’ils établirent sur un terrain protégé, à l’Ouest, par un coude de la rivière, au Sud, par un profond fossé. Le lendemain devait être une journée décisive.

Au lever du soleil, les Zoulous, qui avaient rôdé toute la nuit autour du laager, donnèrent l’assaut. Dingaan était accouru avec toutes ses forces, car il avait conscience que l’heure était venue d’anéantir les Boers ou de voir sa puissance à jamais brisée. Il était donc décidé à porter contre le laager son plus grand effort. Les Zoulous firent des prodiges de valeur. Depuis l’aube (on était aux plus longs jours) jusqu’à dix heures, ils donnèrent l’assaut avec une bravoure et une fureur de lions. En dépit d’un feu mortel qui les moissonnait littéralement, ils revenaient sans cesse à la charge. Quatre fois ils se ruèrent sur les chariots en faisant retentir leurs puissans chants de guerre, quatre fois ils furent repoussés. Et pourtant, ils disposaient d’une écrasante supériorité numérique,