Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/647

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Seine de Sisley, lumineux échafaudage de nuées grises et blanches, dans un ciel d’été, sur des herbes étincelantes à l’instar d’épées, nous reconnaîtrons là une des plus précieuses découvertes de l’art dans les secrets de la nature et de la vie.

Seulement, la théorie divisionniste conduirait à proscrire beaucoup des facilités de la peinture à l’huile, car précisément ce qui distingue la peinture à l’huile d’autres procédés de coloration, du pastel par exemple, c’est le pouvoir de mélanger les couleurs, et c’est, pour parler comme Delacroix, « l’infernale commodité de la brosse. » L’absolue division de la couleur, plus tard dégénérée en pointillisme, rend le métier de peintre extrêmement difficile. En vain, des artistes d’un talent indéniable et d’une rare pénétration d’esprit, les Seurat, les Signac, les H.-E. Cross cherchèrent à rallier les peintres à la technique nouvelle, poussée à son extrême sévérité. Ils échouèrent.


III

Le cycle impressionniste étant clos, on peut le juger maintenant aussi clairement qu’on juge l’école romantique ou celle de David. Tant que les « jeunes » s’en inspirèrent, tant qu’ils y prirent leur point de départ, le jugement dut être suspendu. Car on ne savait pas si, parmi ces jeunes, il ne s’en trouverait point qui ferait sortir de l’impressionnisme quelque œuvre plus complète et plus puissante que celles réalisées jusque-là. On nous disait : « Ne vous pressez pas de conclure, car ce mouvement ne date que d’hier et s’il n’a pas donné encore tout ce qu’on en peut attendre, qui sait si à ces tentatives ne va pas succéder quelque chef-d’œuvre ? Qui sait si le maître impressionniste ne va pas paraître ? » Mais, aujourd’hui, on ne peut plus parler ainsi. Car voici plusieurs années déjà que les jeunes ont abandonné la route de l’impressionnisme et bifurqué sur des chemins qui les ramènent tout doucement aux écoles du passé. On nous disait : « Désormais la peinture sera claire, définitivement débarrassée de la litharge, du bitume, du chocolat, du jus de chique, du graillon et du gratin[1]. » Demain les jeunes gens ne verront la figure humaine qu’enveloppée de soleil ; les ombres seront mises en fuite, les murailles qui conservent l’ombre renversées, les clartés

  1. Th. Duret. Critique d’avant-garde. Les Impressionnistes, 1885.