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la Méditerranée, en France, en Italie, et surtout en Espagne. En faisant brûler les tiges de ces plantes, on obtenait une cendre très riche en sel de soude. A défaut de ces chénopodées et de ces arroches, en Bretagne et sur les côtes de la Manche, on recueillait les goémons ou varechs d’où l’on tirait de la même manière la soude de varech.

C’était l’Espagne, en définitive, qui fournissait la plus grande quantité de soude. Tous les pays, à cet égard, étaient plus ou moins ses tributaires. On avait cherché, en France, à diverses reprises, à s’exonérer de ce tribut espagnol ; on s’était proposé de retirer la soude du sel marin lui-même, directement, sans passer par les plantes qui l’empruntent évidemment au chlorure de sodium, ou, plutôt, en opérant comme elles. L’Académie des sciences avait mis la question au concours dès l’année 1782. Les événemens de 1792 en interrompant nos relations avec l’Espagne en rendirent tout à fait urgente la solution. La Convention fit appel aux lumières et au patriotisme des chimistes. La réponse ne se fit pas longtemps attendre. Treize solutions furent proposées, dont la plus parfaite et la plus pratique avait pour auteur Nicolas Leblanc. Le procédé Leblanc pour la préparation de la soude fut adopté ; il a été employé pendant quatre-vingts ans, à l’exclusion de tout autre. L’un de ses premiers effets fut de ruiner la florissante et paresseuse industrie qui enrichissait les populations côtières de l’Espagne.


II

Un second exemple, celui-là contemporain, est fourni par l’industrie des couleurs d’aniline. La découverte de ces matières tinctoriales, dérivées du goudron de houille, opéra une véritable révolution dans l’industrie de la teinture. Elle avait été préparée par des travaux de laboratoire, dont le premier en date remonte à 1823 et avait eu pour auteur l’illustre Faraday. Ces recherches, d’ordre purement scientifique, aboutirent, en 1856, à la fabrication du violet d’aniline par un jeune chimiste anglais W. Perkin. Peu de temps après se produisit en France la découverte, tout à fait connexe, du rouge d’aniline ou fuchsine par les frères Renard. Ces brillantes couleurs furent révélées au public à l’Exposition de Londres en 1862.

Les nuances rouges éclatantes, le cramoisi et l’écarlate dont on teignait auparavant les riches étoffes, étaient empruntées à la