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qu’il n’a pas cherché à passionner le débat, et qu’il n’a prononcé aucun mot intempestif. Il s’est élevé tout de suite au-dessus de la discussion de la journée pour se perdre dans les nuages, c’est-à-dire dans les généralités. Il a parlé de la République, de la liberté, de la liberté politique, de la liberté civile, de l’union des républicains plus indispensable que jamais, et même de la conférence de La Haye où il avait dignement représenté son pays. M. le ministre des Affaires étrangères l’a interrompu pour lui donner raison. On se demandait où on était. Mais ces diversions faciles ont amené une certaine détente. M. Méline n’a pas eu de peine à en montrer l’ingénieux sophisme, et il a rappelé avec netteté, avec fermeté, pourquoi ses amis et lui ne pouvaient pas s’associer à l’ordre du jour proposé : cet ordre du jour n’approuvait-il pas, ne soutenait-il pas le cabinet ? Ohl si peu, aurait pu répondre M. Bourgeois. Évidemment, ce n’était que pour la forme. La préoccupation de M. Bourgeois était tout autre. Il voulait clore la séance sans désaveu pour une politique dont les restes pouvaient encore être accommodés, mais aussi sans approbation trop formelle, et en rectifiant certaines positions mal prises. Il l’a fait adroitement, et certains amis du ministère ont reconnu aussitôt toute leur pensée dans l’expression qu’il lui donnait. Et puis, il y a quelque chose de lénitif dans l’éloquence de M. Bourgeois, surtout lorsqu’on la compare à celle de M. Waldeck-Rousseau, et ce quelque chose était tout à fait en situation. Son ordre du jour a été voté par une cinquantaine de voix de majorité ; mais ces voix ont-elles été données à M. Bourgeois ou à M. Waldeck-Rousseau ? C’est ce qu’on saura sans doute bientôt plus clairement.

En attendant, nous avons eu une séance profondément attristante, qui témoigne de la décadence, ou de la déchéance de nos mœurs parlementaires. C’est un phénomène que l’on constate aussi dans d’autres pays, mais qui, s’il se prolonge chez nous, y sera plus grave qu’ailleurs, parce qu’il y a ailleurs des contrepoids à la puissance parlementaire, et qu’au total, en Allemagne, en Autriche et même en Italie, le Parlement peut mal fonctionner, sans que toute la machine politique soit paralysée. En France, au contraire, le Parlement est l’organe essentiel. Sans nous attarder pour aujourd’hui à cette comparaison, voyons ce qui se passe au delà des Alpes.


Un décret royal, en date du 18 mai, a prononcé la dissolution de la Chambre italienne, et convoqué les électeurs pour le 3 juin. On sent dans cette précipitation l’impatience d’en finir. Le gouvernement s’est