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paraissait, il s’attachait à ses pas comme entraîné par un aimant. Son pays n’en souffrit pas.

L’ambassadeur d’Autriche, Metternich, bellâtre aimable, bon musicien, médiocre diplomate, n’eût pas été de taille à lutter contre Goltz et surtout, comme il arrivera bientôt, doublé de Nigra, s’il n’eût été aidé par sa femme. La « jolie laide, » fille de l’excentrique seigneur hongrois Chandor, pétillait de grâce, d’esprit, d’entrain, sans que le grand air y perdît rien ; tapageuse d’apparence, au fond très sérieuse, il y avait en elle de cette charmante duchesse de Bourgogne qui, en riant et en amusant, arrivait à lire les dépêches secrètes. Elle appartenait au cercle intime de la Cour ; en jouant des proverbes, en débitant des chansonnettes, elle ne perdait pas de vue l’Empereur, moins encore Goltz, et elle découvrait ce que son mari n’eût pas soupçonné.


XV

Bismarck notifia sa prise de possession aux princes allemands par un acte de vigueur.

Le Hanovre et la Hesse électorale avaient proposé à la Diète le projet d’une nomination de délégués fédéraux, désignés par les diverses Chambres allemandes pour réformer la Constitution fédérale. Le venin de la proposition était moins dans la mesure en elle-même que dans la substitution du principe de la majorité à celui de l’unanimité qui jusqu’alors avait prévalu.

Bismarck tempête : il déclare que, si on entendait assujettir la Prusse à une majorité artificielle des États moyens et petits, il retirerait le ministre prussien de la Diète sans lui donner de successeur, tout en gardant ses troupes dans les forteresses fédérales. Et, par un acte d’audace qui montre ce dont il sera capable, au moment même où, à Berlin, il entre en lutte avec un parlement, il relève à Francfort le drapeau de la Révolution de 1848 et déclare que la réforme de la Confédération ne peut être opérée que par un parlement élu directement par le peuple.

Il fait entendre à l’ambassadeur autrichien à Berlin, Karolyi, et charge son ambassadeur à Vienne, Werther, de transmettre à Rechberg des remontrances qui sentent déjà l’odeur de la poudre. L’influence et l’activité de la Prusse devaient, au nord de l’Allemagne, exister non pas en première ligne, mais seules et sans rivales. La Prusse était donc décidée à les défendre à tout prix, et,