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politiques ou sociaux. L’existence des centres industriels est fiévreuse ; la zizanie y est fréquente entre employeurs et employés ; et certaines grèves ressemblent, à s’y méprendre, à un commencement de guerre civile. Mais même en dehors de cela, le séjour des villes a quelque chose qui énerve, qui porte à l’agitation, aux soubresauts. Les foules, on l’a remarqué, ont leur psychologie particulière, qui n’obéit pas toujours au sens commun.

Le campagnard ne laisse pas d’être un peu routinier. Il lui en coûte de changer ses habitudes ; mais en présence des masses urbaines qui souvent vont trop vite, c’est un bienfait de posséder le contrepoids d’un groupe considérable de citoyens qui ne feront qu’à bon escient un pas dans les voies nouvelles. Pareille au sabot qui presse sur la roue de la voiture aux fortes pentes, la classe agricole retient le « char de l’Etat » dans les momens où il menace de prendre une allure désordonnée. Elle ménage la transition d’un état de choses à un autre. Elle prépare ainsi les conditions les meilleures pour le progrès continu, le seul sérieux parce qu’il est le seul durable. Le beau profit, en effet, pour un peuple, de brûler les étapes, de proclamer des principes aussi sublimes que l’on voudra, mais qui le dépassent, dont il ne vivra pas et sur lesquels il reviendra sans cesse, de se donner des lois et des institutions fort sagement conçues, nous le voulons bien, mais avec lesquelles il sera constamment en désaccord et qu’il s’habituera peut-être à fouler aux pieds de propos délibéré ! Ainsi donc, à quelque point de vue que l’on se place, la question de la dépopulation des campagnes est une grosse question.

Si grave qu’il soit, ce problème serait pourtant susceptible d’une solution immédiate et directe. Supposons que l’on nous apportât cette bonne nouvelle :

« Beaucoup de campagnards jettent le manche après la cognée et vont grossir le flot des centres industriels et commerciaux. » Le fait est indéniable, il ne se discute pas, mais voici, en opposition à cet exode qui tend à drainer les districts ruraux, « nous commençons à discerner un mouvement contraire, une réaction contre cette tendance, une vague de retour, comme dirait Herbert Spencer. Nous voyons des jeunes gens des deux sexes, des riches, des pauvres, des personnes appartenant aux diverses classes de la population revenir par goût, par une sorte d’atavisme inconscient, à la carrière agricole. Les villes rejettent une portion de leurs habitans vers les campagnes : ceux qui sont nés