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abandonnée par les Italiens, tandis que les Flamands — Quentin Matsys entre autres — en font encore parfois usage[1].

Comment expliquer cette nouvelle amélioration technique ? À défaut de textes ou de fait précis, nous sommes bien obligé de nous aventurer dans le domaine des hypothèses, et puisque tout progrès artistique ne saurait s’expliquer que par l’intervention d’un homme, — non de plusieurs, — nous croyons pouvoir accorder pour le moment à Alesso Baldovinetti l’honneur de cette réforme esthétique. Comme tous les Italiens de son temps cet artiste peignait particulièrement la fresque. Or, il se servit le premier de la couleur à l’huile dans ses décorations murales et continua nécessairement pour couvrir les grandes parois des cloîtres et des églises d’employer la brosse, large et rapide, du fresquiste, tout en utilisant la matière nouvelle. Pour me résumer, il peignit à l’huile avec la brosse du peintre de fresques. Il eut sans doute l’idée — ou la suggéra tout naturellement à l’un de ses émules — de peindre, à l’huile également, des panneaux et des toiles, tout en se servant de cette même brosse du fresquiste. La tentative fut couronnée de succès et modifia considérablement le style italien. Les procédés minutieux des primitifs avaient déterminé, avons-nous dit, un art essentiellement statique, calme, reposé. La nouvelle manière de peindre avec des pinceaux plus larges, que les Italiens font courir sur la toile avec la promptitude des anciens fresquistes, introduit un mouvement inaccoutumé dans les œuvres picturales. L’art dynamique est né.

À l’heure où la Renaissance anime l’Italie tout entière d’un frémissement d’enthousiasme pour la science et la pensée renouvelées, la peinture découvre un procédé nouveau pour traduire cet élan intellectuel. Les Flamands du XVe siècle, les représentans de la grande école de Bruges, sont les précurseurs de cette conquête de l’art italien.

Le père de Raphaël, qui fut poète, a, dans une chronique rimée où il fait passer toutes les célébrités de la peinture, vanté le génie de nos gothiques et déclaré que tous les grands Italiens étaient leurs successeurs. On pourrait rattacher en effet les individualités

  1. Les hachures sont même beaucoup plus apparentes chez Q. Matsys que chez Van Eyck où elles sont rares et imperceptibles. Malgré la découverte du peintre de l’Adoration les Flamands continuaient de faire un grand usage de la détrempe. Ils utilisaient de la hachure et de la tempera à l’invention de la couleur à l’huile.