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Congrès. Nous examinerons d’abord les causes de la servitude et les différentes formes qu’elle revêt dans nos colonies ; ensuite nous dirons quels efforts la France a faits depuis la Révolution pour abolir la traite et l’esclavage ; et nous terminerons en indiquant les moyens qui pourraient, selon nous, être employés pour en venir à bout.


I. — CAUSES DE LA SERVITUDE ET DIFFÉRENTES FORMES QU’ELLE REVÊT DANS NOS COLONIES


L’esclavage n’est pas un mal accidentel et local, résultant de certains troubles dans l’état social et inhérent à des races particulières. C’est un mal chronique et qui, il y a un demi-siècle à peine, était encore considéré comme une institution nécessaire et légitime de plusieurs grandes nations civilisées, toiles que les États-Unis de l’Amérique du Nord, le Brésil, la Russie. Il ne faut pas oublier qu’en France même, l’esclavage des noirs aux colonies et le commerce des négriers ont eu des partisans jusqu’à la Révolution de 1848. C’est donc que la servitude a des causes générales : les unes d’ordre politique, les autres d’ordre économique et social.

Les deux plus anciennes sont la guerre et les dettes. Aujourd’hui comme jadis, les vaincus, à la suite d’une guerre, sont faits prisonniers. Chez les peuples chasseurs, on les tue, parce que leur entretien serait trop dispendieux. Mais, chez les peuples agriculteurs et pasteurs, on les garde pour les employer aux travaux les plus pénibles. La guerre n’est pas la seule cause de servitude. Dans certains États vassaux de l’Inde anglaise, au Laos, au Siam, comme chez les anciens Romains, l’homme qui n’a pu acquitter ses dettes devient la propriété de son créancier, lequel se récupère en l’employant comme domestique ou cultivateur. Ou bien, si le débiteur est invalide ou trop âgé pour fournir un travail utile, il engage à sa place ses propres enfans. Cette cause tend à disparaître, au fur et à mesure que les Européens font pénétrer la civilisation dans ces pays.

En voici deux autres, qui sont plus particulières à l’Amérique du Sud et à l’Afrique ; c’est la nécessité d’avoir un grand nombre d’hommes, endurcis à la chaleur, soit pour cultiver de vastes plantations sous le soleil des tropiques, soit pour porter les articles de commerce sur les marchés, à de grandes distances,