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pour les ouvriers municipaux, pour les entreprises communales, minimum de salaire, maximum d’heures de travail, interdiction du marchandage, sont minutieusement réglées dans les cahiers des charges. Des sommes considérables ont été employées en subventions pour les logemens à bon marché. Les quartiers pauvres de Londres, les environs des docks, de Whitechapel, vrais coupe-gorge, il y a quelques années, amas de bouges et de taudis, sont en voie de transformation complète depuis 1889.

Est-ce donc là du socialisme municipal ? Parce qu’une ville se charge elle-même de la direction de ses travaux, de ses affaires propres, au lieu de laisser ce soin et ce bénéfice à des intermédiaires, ou bien encore parce qu’elle prend souci de l’hygiène publique, et particulièrement des ouvriers, dira-t-on qu’elle obéit à des principes subversifs ?

Un conseiller municipal de Glasgow se montrait un jour fort étonné de lire dans un ouvrage sur les municipalités anglaises, paru aux États-Unis, que sa ville offrait l’exemple le plus parfait du socialisme communal, et que lui-même était désigné comme socialiste. Il n’en revenait pas. Dans sa pensée, il avait seulement songé à prendre des mesures, qui, d’après ses collègues et lui, fournissaient le meilleur moyen d’assurer le bien-être matériel et moral de la communauté. Leur seul mobile était le bien public, et ils avaient beau se creuser la tête et faire des raisonnemens à perte de vue, ils ne parvenaient pas à rattacher l’éclairage des rues à la croissance du socialisme d’État[1]. Traiter les ouvriers d’une façon intelligente et reconnaître les syndicats n’implique pas le socialisme, et vers aucune direction ils n’apercevaient un développement dans le sens expressément socialiste. Si le rôle des socialistes, ajoutait-il, est de rappeler à l’accomplissement des devoirs sociaux, ce rôle est superflu en Angleterre, car toutes les classes en sont pénétrées. — Les socialistes ne forment eux-mêmes qu’une quantité négligeable. Le nombre de leurs partisans est restreint. Ils n’ont pu forcer la porte de la Chambre des communes. Ils ont réussi à pénétrer dans les conseils municipaux, grâce à l’appui des progressistes ; aux élections de 1889, par suite du droit de vote plus démocratique, les progressistes se sont trouvés en majorité dans le Conseil de comté ; en 1898, ils ont gagné douze sièges, et comptent soixante-dix élus,

  1. Soziale Praxis du 11 avril 1898.