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Enfin toutes les grandes entreprises qui recherchent des concessions, et qui s’adressent au Parlement, se heurtent aux prétentions des municipalités qui veulent se les réserver. Aussi demandent-elles au gouvernement central d’arrêter cette intrusion dans le domaine privé. Lord Salisbury a proposé récemment une enquête parlementaire, pour savoir d’après quels principes il faut régler les pleins pouvoirs transmis aux communes et autres administrations locales. La fédération des représentations communales d’Angleterre, qui comprend 276 villes, s’est prononcée à l’unanimité contre cette enquête destinée à établir des règles fixes, à tracer des limites à leur activité. Mais la proposition de lord Salisbury a été acceptée à la Chambre des communes par 141 voix contre 47. Et ce vote témoigne d’une réaction très marquée contre les empiétemens et les grandes espérances des socialistes municipaux. Le vent d’impérialisme et de nationalisme qui souffle avec une égale intensité sur toutes les classes, éloigne d’ailleurs l’opinion des préoccupations sociales, qui passent à l’arrière-plan.

L’Allemagne a devancé tous les autres pays dans la voie du socialisme d’État par les grandes lois d’assurance ouvrière que le prince de Bismarck a fait voter au Reichstag. Le socialisme municipal n’y a pas la même envergure. Mais les villes allemandes, qui ont pris une croissance inouïe, depuis 1871, marchent sur les traces des municipalités anglaises.

Les villes de l’Empire, sans esprit de parti, ont organisé des écoles professionnelles, des bibliothèques, des caisses d’assurance, des bureaux de placement gratuit ; elles cherchent des remèdes au chômage. La question des pharmacies municipales, à l’ordre du jour, a été résolue à Cologne. De nombreuses villes travaillent à agrandir la propriété foncière de la commune. Les logemens ouvriers préoccupent toutes les classes. Dans le duché de Bade, à Strasbourg, à Hambourg, les municipalités louent des maisons à la population ouvrière. L’octroi est considéré comme un impôt anti-social, et des essais ont été tentés en Saxe pour le remplacer par un impôt communal. On demande, sans distinction de parti, que les terrains à bâtir, dont l’augmentation de prix considérable tient à l’accroissement des villes, sans que les propriétaires y soient pour rien, soient imposés en proportion : comme en Angleterre, les villes aspirent à ne pas laisser exploiter les services publics par des sociétés par actions.

Tout ce mouvement se produit en dehors des socialistes.