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Que le plaisir, que le travail, que la pensée.
— Et je reviens à vous, apaisante splendeur.
Bénissant votre voix et votre bonne odeur.
Saluant vos coteaux, vos plaines nourricières,
Les mousses des sentiers et la douce poussière
Que votre haleine fait voleter sous le ciel.
Voyez de quel désir, de quel amour charnel.
De quel besoin jaloux et vif, de quelle force.
Je respire le goût des champs et des écorces !
— Je vivrai désormais près de vous, contre vous,
Laissant l’herbe couvrir mes mains et mes genoux
Et me vêtir ainsi qu’une fontaine en marbre ;
Mon âme s’emplira de guêpes comme un arbre,
D’échos comme une grotte et d’azur comme l’eau ;
Je sentirai sur moi l’ombre de vos bouleaux ;
Et quand le jour viendra d’aller dans votre terre
Se mêler au fécond et végétal mystère.
Faites que mon cœur soit une baie d’alisier,
Un grain de genièvre, une rose au rosier.
Une grappe à la vigne, une épine à la ronce,
Une corolle ouverte où l’abeille s’enfonce...


IL FERA LONGTEMPS CLAIR CE SOIR


Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent,
La rumeur du jour vif se disperse et s’enfuit.
Et les arbres surpris de ne pas voir la nuit
Demeurent éveillés dans le soir blanc, et songent...

Les marronniers dans l’air plein d’or et de lourdeur
Répandent leurs parfums et semblent les étendre,
On n’ose pas marcher ni remuer l’air tendre
De peur de déranger le sommeil des odeurs.

De lointains roulemens arrivent de la ville...
La poussière qu’un peu de brise soulevait
Quittant l’arbre mouvant et las qu’elle revêt
Redescend doucement sur les chemins tranquilles.