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l’ordre intérieur, soit pour faire face à toutes les obligations qui pourraient nous incomber du dehors.

On a pu s’en rendre compte par ce qui s’est passé au Yunnan, celle des provinces frontières où nous avons le plus d’intérêts engagés. Pendant plusieurs jours, nous sommes restés dans la plus vive inquiétude pour la sécurité de notre consul à Yunnan-Sen, M. François, et de tout son personnel. Les détails précis et complets nous manquent encore sur les dangers qu’il a courus : tout ce que nous en savons, c’est que ces dangers ont été très graves, et peut-être, sans la fermeté de M. Delcassé, auraient-ils eu une issue tragique. Toutes les maisons européennes à Yunnan-Sen ont été dévastées. Nos compatriotes, M. François comme les autres, ont été volés et pillés au point qu’il ne leur restait même pas de vêtemens de rechange. Enfin, ils ont été retenus en captivité. Un télégramme de notre consul est arrivé à Paris : il réclamait une intervention énergique auprès du gouvernement de Pékin, ce qui prouve que M. François croyait avoir été l’objet d’une agression isolée, et ne se doutait nullement de l’état général du pays. Par-dessus tout, il demandait qu’on se contentât d’user en sa faveur de moyens diplomatiques : une intervention armée aurait amené à Yunnan-Sen une catastrophe immédiate. M. Delcassé a fait appeler le ministre de Chine à Paris, et il a obtenu de lui l’envoi direct d’un télégramme au gouverneur du Yunnan pour lui conseiller de mettre en liberté M. François et les siens, et de les faire conduire sous bonne escorte jusqu’à la frontière, en l’avertissant que le gouvernement de la République le rendrait responsable de toute atteinte à leur sécurité. La démarche de M. Delcassé et celle du ministre de Chine étaient également incorrectes, mais elles ont eu un bon résultat. Des circonstances exceptionnelles exigent des mesures exceptionnelles. M. Delcassé n’avait pas d’autre intermédiaire auprès du vice-roi du Yunnan que le ministre de Chine à Paris, et il est probable qu’en recourant à ce dernier comme il l’a fait, il a sauvé la vie de M. François. En effet, un télégramme du vice-roi du Yunnan n’a pas tardé à annoncer que cet inquiétant épisode s’était bien terminé. Mais il a suffi à nous montrer combien la vie et les biens de nos nationaux au Yunnan étaient peu ou mal garantis, et c’est une expérience qui, nous l’espérons bien, ne sera pas perdue. Peut-être nos ministres à Pékin seront-ils conduits en lieu sûr comme l’a été notre consul au Yunnan : nous ne saurions toutefois nous contenter de cette satisfaction. Si les événemens actuels, après avoir accumulé les ruines et tenu la mort en suspens sur la tête de nos agens, se terminaient simplement