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cour et au Duc de Berry un commandement dans son armée : Louis XVIII et le Duc de Berry acceptent, et l’un de Mittau, l’autre d’Angleterre, partent pour la Suède. La mauvaise fortune des Bourbons les y précède. Quand ils se rejoignent à Carlskrone, le roi qui les y accueille est déjà vaincu, blessé, contraint à une paix désastreuse, et la Russie, la meilleure espérance de la coalition, est passée, par le traité de Tilsitt, à l’ennemi. Gustave IV s’honore, comme le dit M. le marquis de Beauregard, en maintenant ses offres d’hospitalité, et Louis XVIII en les refusant. Celui-ci se décide à poursuivre sa route vers l’Angleterre, où il ramène son neveu.

Le plus désolé était La Ferronnays qui, ayant obtenu un grade dans l’armée suédoise, voyait fuir une fois encore l’occasion. Mais, quelques mois après, la Russie, sous prétexte de faire accepter par Gustave IV le blocus continental, envahit la Finlande qu’elle convoite ; Gustave IV riposte en se jetant sur la Norvège qu’il veut prendre au Danemark, allié de Napoléon ; l’Angleterre envoie à Gustave du secours. Est-ce une grande guerre qui recommence ? La Ferronnays a besoin de le croire, tant lui pèse la vie de Londres, et dès lors, s’impose un devoir d’honneur. « C’en est un, écrit-il à sa femme d’aller prendre ma place dans le régiment où je suis inscrit comme officier. Ce n’est pas pour se mettre à l’abri des balles qu’on revêt un uniforme, mais pour aller en recevoir. » Le Comte d’Artois, toujours favorable à l’énergie des autres, approuve ; le Duc de Berry, mécontent de perdre un compagnon qu’il ne veut pas suivre dans une aventure, prend fort mal « cette donquichotterie ; » Louis XVIII décide. « Le roi m’a fait avec le pouce une croix sur le front en disant : Partez, excellent jeune homme, votre roi vous bénit. »

Voilà La Ferronnays en Suède, sous les ordres d’un général estimé, le baron d’Armfeld, qui avait vécu en France, sous l’ancien régime, et, comme Fersen, son compatriote, demeurait acquis aux Bourbons. Et surtout La Ferronnays a trouvé le héros couronné qu’il rêvait : « Gustave IV a une grâce et une noblesse qui n’appartiennent qu’à lui... Ah ! que chez lui tout semble noble, guerrier, chevaleresque ! Quel enviable sort que celui d’avoir un pareil prince ! ... » Hélas ! il n’est venu que pour apprendre de plus près la différence entre les héros de roman et les héros de l’histoire. La générosité des sentimens, l’ampleur des desseins, l’orgueil du droit débordent chez Gustave IV la puissance et ne