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de gravir la haute berge de sable, au-dessus de laquelle Pak-Ta allonge son unique rue parallèle au fleuve. Aux deux extrémités, se trouvent deux médiocres pagodes et leurs bonzeries. Les maisons sont assez gentilles, toutes en bambou et lattes de bambou, élevées généralement sur pilotis. Cependant le sala, — abri des voyageurs, — qui existe dans chaque village, n’est ici qu’une simple hutte au ras du sol. Une femme lus s’y repose avec ses enfans avant de regagner sa montagne. Les Lus vivent dans les montagnes et descendent dans les villages pour leurs affaires. J’aperçois au loin quelques-unes de leurs maisons disséminées dans la brousse, sur les pentes. Ils sont nombreux dans la vallée du Nam-Ta, et forment un important village à Ban-Hatsa, sur le Mékong.

On fabrique à Pak-Ta des pirogues, des paniers et des nattes. Le marché vient de finir ; et ils sont encore là, autour de moi, une vingtaine de Lus, prêts à remonter dans leurs forêts, partagés entre la peur et la curiosité. Tous, hommes et femmes, sont habillés de bleu foncé. Le costume des hommes est plutôt succinct : un pagne bleu, perdu en ficelle par derrière et retombant en un pan droit par devant. Au-dessus, une veste sans manches est embellie d’une garniture brillante à l’ouverture. Ils portent les cheveux longs, maintenus par une épingle à cheveux en argent d’un alliage très médiocre, et longue de plus de 20 centimètres. Les tatouages cessent au haut des cuisses ; et de ce fait, les montagnards des bords du Mékong sont appelés les Ventirs blancs, par opposition aux Ventres noirs, que j’avais rencontrés si nombreux avant d’arriver à Xieng-Sen. Ce ne sont plus les fins dessins du pays shan ; c’est ce que, en termes de tapisserie, on nomme teintes plates.

Hommes et femmes ont les bras chargés de bracelets faits d’un gros fil de cuivre enroulé en plusieurs tours. Les femmes portent autour du cou un de ces mêmes cercles, tourné plus d’une douzaine de fois et s’élargissant sur l’encolure. Sur leur tête est nouée une étoffe sombre, bleuâtre comme le reste, très haut montée en bonnet phrygien, et dont un bout carré, brodé et orné de paillettes, retombe sur le sommet du front. Une draperie étroite forme une jupe très courte, serrée plus ou moins haut sur la poitrine. Leurs bras sont tatoués en gants longs, et des dessins plus ou moins rituels, objets ou caractères, se voient sur la pointe de leurs épaules. Malgré la fraîcheur du soir, très sensible