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contre l’instruction religieuse et contre la papauté, flétrie par Barni comme un « ferment et une provocation à la tyrannie et à l’esclavage ; » Hendlé, le futur préfet de la République, se fit remarquer, en cette discussion, par son agressive véhémence. Un appel à l’alliance des démocraties allemande et française clôtura le Congrès, et l’on prit rendez-vous à Lausanne, pour l’été d’après.

Il fit chaud à Lausanne, cet été-là ; et le Congrès fut une façon de saturnale. Faute de fonds, le journal les États-Unis d’Europe avait, au printemps, provisoirement cessé de paraître : la collaboration de Mme Clémence Royer, de Jules Barni, d’André Léo (pseudonyme de Mme Champeix), de M. Gellion-Danglar, de Charles Lemonnier, du naturaliste Vogt, de M. Ferdinand Buisson, avait été une insuffisante garantie du succès. Dépourvus d’organe, les congressistes de Lausanne se revanchèrent, si l’on peut ainsi dire, en criant plus fort. Victor Hugo présidait. Sept ans d’exil obligatoire, dix ans d’exil volontaire, avaient exaspéré son style et sa parole ; et l’incoercible poussée des antithèses, maîtresses absolues de sa longue vieillesse, contraignait les lieux communs révolutionnaires à se condenser, sur les lèvres d’Hugo, en formules éminemment provocatrices. Lorsqu’elles descendaient, en lave écumante, de son rocher de Jersey ou de Guernesey, elles avaient le temps de se refroidir avant de parvenir au monde ; du haut de la tribune de Lausanne, elles tombèrent, toutes bouillonnantes, sur une assemblée qui ne demandait qu’à s’échauffer. Nous voulons la grande République continentale... La République, c’est la fin ; la paix, c’est le résultat... L’ennemi, c’est l’incarnation sinistre du vieux crime militaire et monarchique, qui nous bâillonne et nous spolie... » Et la Révolution future, augurée par Hugo, devait transformer l’Europe en une vaste Suisse.

Le Congrès se mit à l’unisson du président. Mie, le grand avocat républicain de la Dordogne, se plaignit que les balles n’atteignissent jamais les poitrines et les ventres des rois : pour raison d’hygiène, d’ailleurs, il jugeait préférable que ces épidermes augustes ne fussent point décomposés par des projectiles. Simon, de Trêves, mettait à mal les souverains allemands ; un Colombien infligeait une verte leçon aux peuples qui payaient l’impôt pour la guerre ; Chaudey demandait que le militarisme fût subalternisé, et M. Ferdinand Buisson qu’il fût supprimé. Il fallait, au dire de ce dernier orateur, aller dans les villages, y distribuer