Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’artillerie de la marine, corps plus restreint, y sont au contraire bien préparés. M. Lockroy, guidé sans doute par une des personnalités intelligentes de la Marine qu’il a su atteler à son char, M. Lockroy a très spirituellement fait ressortir que le ministre de la Guerre prétend combattre sur l’Océan et livrer des combats navals ; son discours est à relire, en raison des nombreuses et très hautes autorités de toutes provenances qu’il cite à l’appui de sa thèse.

Sans altérer la conclusion si logique du général de Galliffet et sans en dénaturer l’esprit, nous croyons pouvoir en modifier les termes, pour mieux préciser la nature des buts à viser et laisser moins de place à la dualité des deux départemens : Au ministre de la Marine seul, les luttes sur mer, c’est-à-dire la défense du territoire contre tout ennemi flottant ; — au ministre de la Guerre seul, les luttes sur terre, c’est-à-dire le soin de rejeter r ennemi à la mer dès qu’il a mis pied à terre.

Suivant cette formule, « chacun se trouverait dans son véritable métier. » Au ministre de la Guerre, le soin de réclamer du gouvernement une sage distribution des nœuds importans de nos chemins de fer, pour lui permettre, aussi bien pour nos frontières maritimes que pour nos frontières terrestres, de porter ses troupes en temps opportun sur le point qui serait menacé ; à lui encore, l’organisation de la défense de certains points stratégiques, dans le Cotentin par exemple, dont il serait difficile de déloger l’ennemi, s’il venait à s’en emparer. A la Marine, en revanche, la défense de ses arsenaux et de leurs approches contre tout ennemi flottant qui voudrait essayer de les détruire ; à elle encore, le soin de la défense sur les rares points du territoire où il peut être encore nécessaire d’entretenir des batteries contre les insultes du large.

Est-ce à dire que nous nous séparons de M. le comte d’Agoult, quand il critique vertement les agglomérations d’officiers de vaisseau servant à terre où ils se déforment et oublient le métier de la mer ? Non, certes ; il importe de réduire dans la plus large mesure les proportions de la Marine des bureaux par rapport à la Marine qui navigue et qui combat. Pour occuper les trop nombreuses fonctions qui ne peuvent être convenablement remplies à terre que par des officiers possédant la connaissance des choses de la mer, nous eussions créé un cadre sédentaire, distinct du cadre actif, mais comportant un avancement régulier suivant les services de chacun ; même à l’État-major général de la rue Royale, il serait bon de réserver un nombre limité de postes à des officiers de ce cadre sédentaire, pour y conserver des traditions et quelque suite dans les idées. Ce cadre eût englobé les officiers