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pleins d’égards et même de condescendance envers les grands chefs militaires, sachant fort bien qu’avec de pareils hommes, les bons procédés étaient le plus sûr moyen d’influence et d’action. Ceux qui ont fondé la république actuelle étaient profondément pénétrés de ces principes. Faut-il appeler les noms de Thiers et de Gambetta ? On sait que, dans l’ardeur de leur patriotisme, l’un et l’autre aimaient l’armée passionnément et ne négligeaient aucune occasion de le lui témoigner. Thiers a refait moralement aussi bien que matériellement l’armée après la guerre et la Commune, et c’est la partie de son œuvre à laquelle il s’est appliqué de préférence. Après lui, Gambetta n’a pas cessé un seul jour de s’occuper de l’armée. Nul n’a fait plus que lui pour ses intérêts de tous ordres ; nul n’a voulu faire et n’a fait davantage pour établir entre elle et la République un courant de sympathie et de confiance mutuelles. Il suivait des vues d’avenir. Il avait le sentiment profond des nécessités qui s’imposaient à un pays accidentellement malheureux, avide de se relever. Il ne reculait devant aucun sacrifice pour préparer les temps nouveaux. On parle aujourd’hui de transférer ses restes au Panthéon. Soit : il l’a mérité par les rêves généreux qu’il a faits pour sa patrie. Mais il vaudrait mieux suivre son exemple et rester fidèles à ses traditions que de donner à sa mémoire le témoignage d’une vaine cérémonie. Ses exemples, ses traditions, — et tout cela devrait se rattacher à ce vieil esprit républicain dont il parle tant ! — M. Waldeck-Rousseau, élève de Gambetta, en fait aujourd’hui litière dans un simple intérêt de parti, moins encore, dans un pitoyable intérêt ministériel. Nous nous garderons bien de nous abandonner à des prosopopées qui ne sont plus de mode ; mais enfin, que penseraient et que diraient les grands fondateurs de la République, s’ils voyaient ce qui se passe aujourd’hui ?

Le général André se comporte à l’égard de l’armée comme pourrait le faire un pédagogue à l’égard d’une classe indocile. Sa conception de son rôle ne s’élève pas plus haut : il se croit préposé aux punitions, et il les prodigue avec un pédantisme qui déguise mal son défaut personnel d’autorité. Le général André exerce d’ailleurs ses sévérités dans le vide : il frappe au hasard de sa fantaisie. Il a annoncé un jour à la Chambre que les châtimens viendraient à leur heure, sans se presser, mais sûrement. On s’est demandé alors ce qu’il voulait dire, car il n’avait encore sévi contre personne et, de quelque côté qu’on se tournât, on n’apercevait autour de lui que la plus parfaite discipline. Si quelques fautes avaient été autrefois commises, bien rares en somme, le plus souvent légères, presque toujours atténuées