Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils fussent russes, anglais, français, ou autres, et on a voulu voir, non sans raison, dans ses paroles une affirmation du concert européen. L’empereur Guillaume n’y croyait pas beaucoup en Orient, il y a peu de temps encore ; y croit-il davantage en Extrême-Orient aujourd’hui ? Quoi qu’il en soit, il a parlé en fort bons termes de la nécessité d’une action commune, et tous les échos de l’Europe ont recueilli favorablement son discours. Il a parlé aussi des missionnaires, et il l’a fait avec une sympathie bienveillante dont lord Salisbury, dans un discours de mauvaise humeur, ne lui avait pas donné l’exemple. Laissant de côté les dissentimens que nous pouvons avoir avec l’Allemagne au sujet de la protection des catholiques, nous ne pouvons qu’applaudir au discours de Guillaume II : il a un accent humain et une portée politique dont il est impossible de n’être pas frappé. Quant à M. Brodrick et à M. Delcassé, ils ont, en somme, tenu un langage analogue, le plus souvent très réservé au sujet de faits qu’ils ne connaissaient encore que d’une manière incomplète et imparfaite, mais toujours très affirmatif en ce qui touche l’obligation pour toutes les puissances de marcher d’accord vers un même but. Toutefois, sur les conditions de cet accord, M. Delcassé a été plus explicite encore, en désavouant au nom de la France toute pensée de s’attribuer, au milieu du conflit ouvert, des avantages personnels. La France, actuellement, ne veut rien de la Chine. Elle a obtenu au Sud les satisfactions auxquelles elle avait droit, et tout son effort, combiné avec celui des autres puissances, a pour objet de sauver nos légations, de rétablir l’ordre et la sécurité en Chine, d’y imposer la stricte observation des traités qui ont été si odieusement violés, enfin de restaurer ou de maintenir à Pékin un gouvernement qui donnera à l’Europe et au monde des garanties sérieuses à tous ces points de vue. Ainsi définie, la tâche est assez grande, et nous souhaitons qu’elle ne devienne pas plus grande encore. Mais, si tout est obscur au Nord, tout est incertain au Sud. L’agitation peut gagner les provinces chinoises limitrophes du Tonkin, et nous devons y veiller. M. Delcassé a dit à la Chambre que, parmi les troupes que nous envoyons en Extrême-Orient, une partie était destinée à remplacer celles qui avaient été déjà prélevées sur le contingent tonkinois. Précaution qu’on ne saurait trop approuver. En même temps que des nouvelles, encore bien confuses, mais un peu moins mauvaises, arrivent de Pékin, le bruit court que la contagion du mouvement insurrectionnel commence gagner les provinces. Il faut donc prévoir le moment où nous pourrions nous trouver en présence de devoirs nouveaux.