Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/600

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son toit, l’écartement de ses panneaux, la composition de son fond écaillé, tout est composé en vue du cadran. Les volutes qui l’entourent le rendent aussi nécessaire que, sur un visage, un sourcil et une paupière rendent nécessaire la prunelle de l’œil. Lorsque paraît le style Louis XIV, et surtout, lorsque, au milieu du XVIIe siècle, survient l’application du pendule, la décoration est tout à fait devenue une œuvre de sculpture. En vain l’horloge grandit, monte le long du mur, devient le régulateur, étroit et haut, ayant, dès lors, deux centres décoratifs et comme deux visages : l’un où l’on voit progresser l’aiguille, l’autre où l’on voit passer le balancier. Malgré ce grandissement, ce n’est plus du style d’architecte, mais de sculpteur. Vous en avez ici dans le coin d’une salle un exemple célèbre : le régulateur du cardinal de Rohan. C’est là que toute la décoration est inséparable de l’objet à décorer. En haut, que ferait cette voûte sans le cadran ? Au milieu, combien serait disgracieux ce renflement sans cette ouverture ! Si vous ôtez l’engin qui a commandé cette architecture, non seulement vous ôtez à cet objet son utilité, — ce qui importe peu pour une œuvre d’art, même décoratif, — mais vous lui ôtez sa beauté.

Vous l’ôteriez aussi à tous ces cartels, à ces pendules du XVIIIe siècle, dont l’apparente asymétrie cache des merveilles d’harmonie et des miracles d’équilibre. Ici, toute architecture a disparu. Le bois aussi se fait rare. C’est la matière la plus sculpturale, le bronze, qu’on emploie, et c’est selon les formes les plus sculpturales qu’il est employé. Le cadran est pris dans des jaillissemens de feuilles et dans des enroulemens de vagues, comme un œuf dansant sur un jet d’eau. Ni ces jaillissemens ni ces enroulemens n’auraient de grâce sans lui. Pour obtenir plus de vie encore, on fait appel à la couleur. On encadre la lune d’émail blanc dans des chimères et des bouquets de porcelaine bleu turquoise, ou bien dans un orchestre de singes et dans un treillage de fleurs de porcelaine de Saxe. La décoration de l’horloge a donc passé, depuis la Renaissance, par les trois arts : architecture, sculpture et enfin peinture ou, au moins, vive coloration.

Enfin vient le style Louis XVI. Voici qu’on renverse le cadran sur lui-même. Du plan vertical où on l’avait vu jusque-là, on le met sur un plan horizontal. Il devient une table tournante, où, sur l’épaisseur du bois, les heures sont inscrites. Ce n’est plus l’aiguille qui tourne : ce sont les heures. On les fait tourner autour