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bouffonne de Gargantua et de Pantagruel. Elle a du poème l’apparence et l’allure ; elle en a la signification profonde ; elle en a le charme ou la séduction de style : on pourrait dire, on doit dire qu’elle en respire encore l’enthousiasme. Et cela est tellement vrai que, pour en faire comme ressortir, l’une après l’autre, toutes les qualités, avec aussi quelques-uns des défauts, il n’y a peut-être pas, sauf erreur, de meilleur moyen que de développer le contenu de ce mot de poème.

Admirons en effet, et d’abord, la sensation ou l’impression d’art et de poésie que nous procure l’ensemble seul de la composition. Le Cinquième livre, nous l’avons vu, n’est vraisemblablement pas de la main de Rabelais, et tout ce qu’on y reconnaît de lui, c’est la preuve de l’influence qu’il a exercée sur son continuateur. On ne sait pas exactement, nous l’avons dit aussi, dans quel ordre ont respectivement paru le Pantagruel et le Gargantua, ni dans quelles conditions, ni ce que Rabelais a voulu faire en les écrivant, s’il avait déjà dans l’esprit le dessein ultérieur de son œuvre, ou, au contraire, si le succès d’une première tentative l’aurait seul engagé à en faire une seconde. En supposant que le premier livre de Pantagruel soit de 1532 et le Gargantua de 1535, ils sont séparés du Tiers livre, — deuxième de Pantagruel, — nous l’avons également vu, par des intervalles de onze et de quatorze ans. Six ans encore s’écoulent entre la