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35° à 43°. Au mois de février, qui est le plus chaud de l’année australe, la moyenne a été de – 1°. La moyenne, pendant les douze mois d’emprisonnement dans la banquise, a été de – 9°,6 sous le 71e parallèle, tandis que dans l’hémisphère Nord, au dessus du Spitzberg, par 80° de latitude, elle ne tombe qu’à – 8°,9. Il serait imprudent d’étendre à tout le continent antarctique les résultats constatés par les observateurs belges à la lisière, dans la zone limitée où leur navire est resté prisonnier. Le régime climatérique, en ce point, est celui d’une région côtière, où se contrarient deux influences : celle des eaux de la mer libre, qui chargent d’humidité l’air amené du Nord ; celle de la surface glacée située au Sud, qui ne laisse arriver qu’un air sec et froid. Les explorateurs ont passé leur année dans cette zone de perpétuels conflits. Le vent du Midi chassait les nuages et dégageait leur ciel ; le vent du Nord étendait partout un manteau de brumes qui le voilait complètement. Ces brumes étaient glacées ; elles se résolvaient en givre, qui se déposait sur tous les objets, sur les mâts, sur les agrès du navire, sur la surface de la banquise, sur les flocons mêmes de la neige qui tombe. Et, dans ces parages inhospitaliers, il neigeait souvent ; à peu près deux jours sur trois. Les vents soufflaient presque constamment ; sur sept jours, on observait à peine un jour de calme.


Ces conditions ont rendu particulièrement pénible l’hibernage de la Belgica. Les explorateurs supportaient aisément le froid sec, et la clarté d’un ciel pur exerçait une action bienfaisante sur leur moral. Au contraire, ils se défendaient avec peine contre l’humidité glacée et subissaient l’espèce de dépression mentale que produit toujours le froid noir et prolongé. C’est un fait constant, que, dans ces conditions, le travail intellectuel devient difficile ; le cerveau s’anémie comme le corps tout entier. On éprouve des vertiges, de l’insomnie ; le pouls s’accélère au moindre effort. Cette torpeur s’exagère encore pendant la nuit polaire. Pour les reclus de la Belgica, cette morne période dura du 17 avril au 21 juillet.

L’hibernage avait donc un effet bien différent sur les dispositions morales des captifs, selon que le ciel sombre et brumeux les obligeait à rester enfermés dans le navire ou que, clair et serein, il permettait de prendre quelque exercice au dehors, sur la banquise !