Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/695

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
691
boxeurs et sociétés secrètes en chine.

plus ferme et nous savons, d’une bonne source et même de plusieurs sources concordantes, comment le mouvement boxeur s’est produit.

Il a commencé dans le Chan-toung. Là règne, depuis la guerre sino-japonaise, une irritation violente contre les étrangers, qui se traduisit d’abord, en 1897, par l’assassinat de deux missionnaires catholiques allemands. Ces meurtres amenèrent l’installation de l’Allemagne et, par contre-coup, de l’Angleterre et de la Russie dans le Chan-Toung et sur le golfe du Pet-chi-li. La cour Chinoise dut céder à l’Allemagne Kiao-Tchéou, à l’Angleterre Weï-Haï-Weï, à la Russie Port-Arthur et Talien-Wan. De là, un redoublement de haine contre l’étranger dans les populations de la Chine du Nord. Et c’est en ce milieu, en ces circonstances, qu’est né le mouvement boxeur.

A-t-il été provoqué par les agens officiels de la cour chinoise ? C’est ce qui semble ressortir assez clairement de l’intéressante « interview » de Mgr Anzer à laquelle nous avons déjà fait allusion[1]. — À la suite des concessions territoriales faites aux Européens dans le Chan-Toung, dit Mgr Anzer, la cour de Pékin envoya là-bas un viceroi du nom de Yu-Shien pour provoquer un mouvement contre les étrangers. Ce Yu-Shien, qui est une connaissance personnelle de l’évêque catholique, et qui a tourné autrefois autour d’une conversion, sans s’y décider, paraît être un personnage assez singulier. Il engagea ses subordonnés à commencer l’action contre les Européens. Les malheureux fonctionnaires n’avaient qu’à obéir, et ils excitèrent le peuple dans le sens qu’on leur demandait. Le peuple répondit mal à cet appel. Le vice-roi s’adressa alors aux sociétés secrètes de sa province et particulièrement au « Grand couteau. » Là encore, il ne trouva pas assez de complaisance. Il fut obligé de recourir aux affiliés des provinces voisines pour organiser les troubles. Cela se passait aux mois de mai, juin et juillet de l’an dernier. À ce moment, Mgr Anzer avertit le gouvernement chinois que la secte du « Grand couteau » pourrait bien se retourner contre la dynastie. Son chef, disait-il, se regarde comme l’empereur de Chine ; c’est un lettré appelé Chan, ennemi des Mandchous et de la maison régnante, et qui, à plusieurs reprises, s’est déjà montré au peuple en vêtemens jaunes, c’est-à-dire paré de la couleur impériale.

Voilà donc tout ce que nous savons de façon positive : un fonctionnaire de la Cour de Pékin, chargé d’organiser un mouvement anti-étranger, recourt finalement pour cela, et en désespoir de cause, à une

  1. Cette interview a paru dans le Vaterland de Vienne et a été reproduite dans le Times du 9 juin 1900.