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s‘est-il adressé à tout le monde, ou peu s’en faut : aux États-Unis, auxquels il a demandé leurs bons offices ; au Japon, auquel, s’appuyant sur l’identité de race, il a demandé son amitié ; à l’Allemagne enfin, à laquelle il a demandé son aide et son appui. Il y a dans toutes ces démarches de l’incohérence et de la finesse, mais une finesse ultra-orientale et qui est trop sensible pour produire beaucoup d’effet. Nous avons’ aujourd’hui les réponses de tous les gouvernemens mis successivement en scène : elles ne varient que dans la forme, le fond en est le même. Mais la forme ne laisse pas d’avoir quelque importance et mérite qu’on s’y arrête un moment.

La réponse du gouvernement américain, ou plutôt de M. Mac-Kinley, est la plus oratoire de toutes ; elle sent la littérature électorale. Elle est pleine d’adjurations à l’adresse du gouvernement chinois, adjurations qui se réduisent d’ailleurs à demander que les ministres soient mis en liberté. La réponse du gouvernement japonais est très diplomatique ; on serait presque tenté de trouver qu’elle l’est trop. Le Japon proteste de ses bons sentimens : amitié, cordialité, consanguinité, etc. S’il a uni ses troupes à celles des autres puissances, ce n’est certes pas à mauvais dessein, mais seulement dans l’intérêt bien compris de la Chine elle-même, odieusement opprimée par une bande de rebelles. Au surplus l’empereur le reconnaît et le proclame. Dès lors que pouvait faire de mieux le Japon que d’envoyer un corps d’armée pour rétablir d’abord l’ordre au dedans et par suite l’harmonie avec les puissances ? Avons-nous besoin de dire qu’il l’a fait avec un absolu désintéressement ? Ces Orientaux manient entre eux merveilleusement l’ironie. La réponse de l’Allemagne a été sérieuse et sévère, conforme à ce qu’on devait attendre d’une aussi grande puissance, qui avait plus que toute autre le droit de se montrer rigoureuse, puisque, si tous les autres ministres sont encore vivans, le sien a été assassiné. Il est vrai que M. de Ketteler n’a pas été assiégé et bombardé comme ses collègues, et que, n’ayant pas été l’objet d’une agression collective dans laquelle les réguliers chinois étaient plus ou moins mêlés aux Boxeurs, on peut regarder ou présenter le meurtre dont il a été victime comme un accident particulier. Il traversait les rues de Pékin pour se rendre au Tsong-li-Yamen lorsque des « rebelles » se sont jetés sur lui et l’ont tué. L’empereur Kuang-Su affirme qu’il fait les recherches les plus actives pour découvrir les meurtriers en vue de les punir : il n’en est pas moins vrai qu’il ne les a pas encore découverts ; qu’il ne les a pas encore punis ; et que ses recherches peuvent sembler tardives. Elles n’ont pas été ouvertes le