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En droit strict, elle n’y pouvait prétendre, n’étant ni grande Puissance, ni belligérante. Elle n’était même pas directement intéressée dans les questions territoriales soulevées par le traité de San Stefano qui, d’après les déclarations officielles, devait être l’unique objet des délibérations européennes. Cet acte, en effet, ne mentionnait les provinces de race grecque appartenant à l’Empire ottoman que pour stipuler en leur faveur un règlement administratif analogue à celui de la Crète. Une telle clause, d’ordre purement moral, ne justifiait pas la demande de la Grèce : si on l’accueillait, on sortait du programme fixé, et, comme il était évident que la Grèce visait une rectification de frontières, on allait au-devant d’une difficulté très grave et très délicate, étrangère même à l’instrument diplomatique dont il s’agissait de modifier les dispositions. Il y avait donc lieu de penser que l’Europe, jusqu’alors fidèle à la tradition de 1830, absorbée d’ailleurs par l’étude du traité turco-russe, ne compliquerait pas son travail en consentant à discuter de nouvelles revendications. De plus, l’intervention du gouvernement athénien surexcitait inévitablement les espérances de l’hellénisme, risquait de provoquer d’inquiétantes dissertations sur les limites naturelles, le droit des races, la volonté des populations, et d’engager ainsi le Congrès dans l’examen inattendu de diverses théories, peut-être même de l’amener à des manifestations compromettantes.

Toutes ces considérations étaient fondées assurément ; elles furent cependant écartées, et, dès l’ouverture du Congrès, il n’était pas douteux, d’après les entretiens particuliers des plénipotentiaires, qu’un autre courant d’idées s’était établi, et que les délégués grecs seraient autorisés à réclamer devant eux l’agrandissement de leur pays. Cette entente préalable était surprenante au premier abord ; mais, en étudiant plus attentivement les choses, il n’était pas trop malaisé de discerner les motifs divers dont s’inspiraient les Cours et qui, depuis quelque temps, avaient modifié leurs anciens systèmes et préparé leur évolution. Plusieurs circonstances avaient exercé une influence dominante sur les opinions antérieures, et il est nécessaire de les rappeler pour faire comprendre les faits qui vont suivre.

D’une part, les Puissances gardaient rancune à la Porte d’avoir fait échouer la Conférence de Constantinople et entrepris la guerre malgré leurs conseils ; tout en cherchant à prévenir une extension démesurée de l’influence russe en Orient, elles trouvaient