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c’était un parlementaire modéré, un tacticien habile qui, soit dans les conseils de la Couronne, soit dans les rangs de l’opposition, avait, de longue date, appris l’art de manœuvrer, de prendre le vent, de tenir compte des incidens, un orateur expert, un diplomate de l’école d’Ulysse. Il était donc permis d’avoir confiance à la fois dans la prudence du prince et dans la perspicacité de son ministre, pourvu qu’on insistât, avec cette courtoisie affectueuse à laquelle la Grèce est toujours sensible, en faveur d’une combinaison suffisante, et surtout qu’on facilitât au Cabinet, par une pression amiable et sérieusement motivée, la résistance aux tentatives violentes et à l’argumentation intéressée de ses adversaires politiques.

Malheureusement, l’idée d’équivoquer sur le caractère de la médiation avait fait son chemin : on s’était persuadé qu’il fallait à tout prix, pour détourner la Grèce de revendications inflexibles et inopportunes, donner une apparence obscure aux actes du Congrès et de la Conférence, les envelopper de commentaires nuageux, et reconquérir sa liberté d’action en subtilisant sur la propriété des termes et sur les intentions réelles des plénipotentiaires. M. Barthélémy Saint-Hilaire, jusque-là incertain ou du moins sans initiative, simplement disposé à s’associer, dans l’ensemble de l’affaire, au concert européen, se trouva enfin séduit par ce système, qu’il crut avantageux à la cause supérieure de la paix générale. Il en devint le partisan avec une sincérité parfaite, mais aussi avec une ardeur excessive qui l’en a fait considérer à tort comme l’auteur principal et a rassemblé sur lui, à cette époque, les animosités et les rancunes des Hellènes. Mais, tout en rectifiant cette fausse donnée sur sa conduite antérieure, on ne saurait méconnaître qu’il s’est laissé entraîner à jouer un rôle trop actif dans cet épisode diplomatique. La France, qui avait pris le premier rang dans les délibérations de Berlin, était au moins autorisée à garder en ceci une certaine réserve qui eût été aisément comprise. Au contraire, notre ministre des Affaires étrangères entra dans la discussion avec autant d’empressement que si la théorie lui eût été personnelle, ce qui n’était guère d’accord avec notre attitude constante au cours des négociations. Il mit au service de cette thèse, dans une série de dépêches et de circulaires surabondantes, une dialectique serrée, dogmatique et militante, une éloquence affirmative peu usitée dans le langage international. En déclarant avec tant de précision