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phraséologie. Au premier abord, le document qu’il nous adressa semblait n’être qu’une dissertation anxieuse et amère sur les défauts de la nouvelle frontière et les déceptions de son pays. Tout en affirmant son respect pour les grandes Cours, le ministre rappelait leurs anciennes promesses, invoquait le sentiment de son pays, à travers de longues circonlocutions, ne consentait ni ne refusait expressément, et même ses formules réservées, l’aspect de l’argumentation, paraissaient indiquer des dispositions défavorables. Mais, en étudiant de plus près ce texte obscur, et en négligeant le remplissage oratoire, nous aperçûmes qu’avec une habileté calculée, M. Coumoundouros y avait glissé un passage qui révélait ses intentions véritables ; ce n’était qu’une phrase presque incidente, mais qui contenait, implicitement l’acceptation du compromis que l’ensemble de la réponse semblait écarter : il se disait prêt, en effet, à prendre possession des territoires cédés ; or, cette seule parole annulait toutes les considérations précédentes, destinées à contenter les politiciens grecs. A l’aide de cet artificieux détour, M. Coumoundouros se dispensait d’accueillir ouvertement la transaction, mais il se fiait à notre perspicacité pour le comprendre ; en réalité il acceptait la note collective, puisqu’il en revendiquait la conséquence pratique, à savoir l’annexion des territoires qu’elle avait désignés. C’est en ce sens que nous eûmes soin d’interpréter sa réponse en la transmettant à nos gouvernemens.

Ceux-ci eussent pu sans doute exiger davantage, mais, avec beaucoup de finesse et de bonne volonté, ils se hâtèrent de déclarer l’adhésion de la Grèce comme acquise, coupèrent court à toute explication ultérieure, et consentirent seulement, sur la demande instante de M. Coumoundouros, à lui promettre verbalement, pour fortifier sa situation personnelle, « qu’ils s’intéresseraient aux populations chrétiennes restées en dehors de la future frontière. » L’entente était donc désormais complète, et les ambassadeurs procédèrent aussitôt avec la Porte à la rédaction du traité qui consacrait l’œuvre de la médiation dans les termes que j’ai indiqués plus haut : ils y joignirent quelques paragraphes accessoires sur le partage de la dette, les propriétés et la liberté religieuse des musulmans en Thessalie. L’instrument diplomatique fut signé le 24 mai 1881. Cinq semaines plus tard, le 2 juillet, une convention turco-grecque contenant le texte international régla les relations des deux États limitrophes. L’entreprise commencée au