Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nelle, même en l’étendant aussi loin que nos ambitions légitimes peuvent le comporter, ne maintiendrait pas l’équilibre entre les autres et nous. Voilà pourquoi notre politique doit être conservatrice en Chine. Rien ne serait plus imprudent de notre part que d’imprimer au vieil édifice un ébranlement capable de le renverser. Si nos ministres avaient été massacrés, ces considérations, quelle qu’en puisse être la valeur, auraient cédé à des devoirs impérieux. Il aurait fallu marcher sur Pékin et y frapper un grand coup. Mais le crime n’a pas été commis. Nous demandions sans cesse qu’on nous mît en communication avec nos ministres. S’ils vivent encore, disions-nous, qu’on nous transmette une dépêche écrite par eux ; l’emploi du chiffre confidentiel fera foi de l’authenticité du document. Nous avons enfin reçu un télégramme de M. Pichon. Il faut bien reconnaître que la situation n’est plus la même.

Ce télégramme de M. Pichon est très important ; il est aussi assez embarrassant, parce qu’il présente la marche sur Pékin comme nécessaire, et qu’il semble même l’imposer. Le corps diplomatique a été informé, dit-il, par le Tsong-li-Yamen, que les puissances auraient, à plusieurs reprises, demandé son départ de Pékin sous escorte : en conséquence, le gouvernement chinois a prié le corps diplomatique de régler lui-même les conditions de ce départ et d’en fixer la date. Mais ce sont maintenant les ministres qui ne veulent pas partir ! Déjà une dépêche du ministre des États-Unis avait présenté des objections à cet exode : le nôtre les confirme et les précise. À l’entendre, le corps diplomatique ne peut quitter Pékin que si les forces alliées viennent l’y chercher. Ces forces devraient être assez nombreuses pour assurer la sécurité de 800 étrangers, dont 200 femmes ou enfans, et de 3 000 chrétiens indigènes qu’il est impossible d’abandonner au massacre. En aucun cas, une escorte chinoise ne serait admissible. Il y a donc 3 000 chrétiens chinois à Pékin, et le corps diplomatique ne sépare pas leur sécurité de la sienne ? Cela fait honneur a tous les ministres, et notamment à M. Pichon qui exerce notre protectorat sur les catholiques en Extrême-Orient : on ne l’accusera pas de négliger les devoirs qui lui incombent de ce chef, quelque difficiles qu’ils soient à remplir M. Pichon ajoute : « Nous répondons au Tsong-li-Yamen que nous ne pouvons quitter nos postes sans instructions de nos gouvernemens, auxquels nous en référons. » Il y a donc lieu de croire que les autres gouvernemens ont reçu des télégrammes analogues, et qu’ils auront à s’entendre entre eux à ce sujet. Nous ne leur donnerons pas de conseils ; ce serait une grande témérité. L’opinion de