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Le lendemain, 21 vendémiaire, à six heures et demie du matin, nous nous trouvions par les 10° 3’ de longitude occidentale, à vue de terre et presque en face du lac Swilly. L’ennemi, qui nous avait serrés de près pendant toute la nuit et que nous avions en vain essayé de tromper par une fausse route, ne tarda pas à nous attaquer.

Le Hoche fut d’abord assailli par un vaisseau rasé et un de 74[1] ; nous nous battîmes pendant une heure sans éprouver beaucoup de pertes ; mais bientôt l’ennemi fut renforcé par un vaisseau de 80, un de 74 et une frégate de 18[2]. La frégate la Romaine (commandant Bergevin), qui s’était jointe à nous, fut obligée de virer de bord à l’approche du renfort ennemi, et nous nous trouvâmes seuls contre cinq. Le combat devint alors terrible et opiniâtre de part et d’autre ; le Hoche vomissait le fer et la flamme de tribord, de bâbord et de l’arrière. Il est impossible de trouver plus de courage et d’activité dans nos soldats de terre et de mer, plus de fermeté et de sang-froid dans tous les officiers placés aux différentes batteries, ni plus d’ordre dans une action aussi chaude que meurtrière. L’espérance de la victoire allait toujours croissant dans l’équipage et chacun travaillait avec une ardeur égale à ses désirs.

Cependant le vaisseau avait déjà près de cinq pieds d’eau dans la cale ; le poste des chirurgiens était encombré de blessés ; toutes les manœuvres étaient coupées, les voiles en lambeaux, les batteries en partie démontées ; trois fois les gaillards avaient été complètement balayés ; les sabords de la deuxième batterie n’en formaient plus qu’un ; les mâts et les vergues, fortement endommagés, menaçaient d’écraser l’équipage par leur chute. Enfin, réduit à l’impossibilité de gouverner, prévenu, pour la deuxième fois, qu’il n’y avait plus de place au poste pour les blessés, ne pouvant plus compter sur le secours de nos frégates, dont quelques-unes étaient déjà aux prises, forcé de céder au nombre qui l’accablait, le chef de division Bompard se détermina à amener le pavillon national, après en avoir défendu l’honneur, avec son intrépidité ordinaire, pendant 3 heures 45 minutes.

Aucune de nos frégates, excepté la Romaine, n’a eu part à cette action ; mais à peine le Hoche fut-il rendu, qu’à leur tour elles furent enveloppées par les forces ennemies.

  1. Magnanime et Robust.
  2. Canada, Foudroyant et Amelia.