Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enserrant dans ses remparts des restes de palais, de chapelle, des corps de garde et des casernes. Au premier plan, la demi-lune d’une épaisse muraille percée à jour dressait sa batterie vide, dominant l’esplanade. Une fois dehors, je suivis la pente de la vieille ville : High Street et Canongate. Chaque étage avançait sur la rue, de toutes ses fenêtres, les tringles où séchaient du linge et des hardes multicolores. Les enfans grouillaient pieds nus dans les closes, étroites et longues ruelles qui traversent l’épaisseur des maisons populaires.

Je passai devant le vieux Tolbooth, tribunal et prison de jadis, tel, avec son horloge en saillie, entre deux poivrières, qu’il était déjà sous Jacques VI, quand la Canongate formait un bourg indépendant. Enfin, j’arrivai à Holyrood.

Derrière le château et sa chapelle ruinée, l’horizon était fermé par deux montagnes mélancoliques. A leur pied, il semblait une résidence seigneuriale, perdue dans une solitude, bien plus qu’un palais de roi à l’entrée de la capitale. Une sentinelle, en grande tenue de Highlander, allait et venait, l’arme au bras, comme s’il y avait à veiller encore sur une majesté. Et ce fond de collines nues, ces tours massives avec leurs toits en poivrières, ces tristes murs, ce soldat des régimens d’Ecosse, composaient un ensemble d’une si intense couleur historique et d’une telle vérité rétrospective que je sentis, à la pensée de Paris et de ses palais, de la douce France et des châteaux enchantés qui se mirent dans la Loire, le frisson de détresse dont défaillit la reine Marie, quand elle se vit captive de son isolement et de sa grandeur, entre les rumeurs de sa capitale et le silence de ces pentes dénudées...

Cette impression du dehors se précise à l’intérieur. Que nous sommes loin d’un Fontainebleau ou d’un Saint-Germain ! L’influence étrangère n’a pas pénétré là. Nul souffle des paradis de l’art n’a tiédi le ciel où se profilent ces tours ; nul rayon de la vie voluptueuse et dorée des cours italiennes n’a jamais tremblé sur ces grossiers planchers, ni baigné la rudesse de ces panneaux de chêne. Voici la galerie de portraits, dans la partie du palais construite par Charles II. Elle n’a grand air que par ses dimensions et l’alignement, sur ses murs, des cent vingt effigies de souverains d’Ecosse, depuis Fergus Ier jusqu’au dernier des Stuarts. L’honnête praticien flamand qui exécuta la commande en gros du gouvernement écossais déploya dans sa tâche plus de conscience que de génie. Il s’était engagé, et tint parole, à peindre cent dix toiles