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quelle fruste noblesse qui les éclaire comme un invisible soleil. C’est le Versailles des rois d’Ecosse. Il ressemble au nôtre comme Holyrood au Louvre des Valois. Marie Stuart est née derrière ces massives murailles, dans une chambre dont tous les Écossais vous indiqueraient la place, à l’angle de l’Ouest. Plus loin encore, tout à la pointe du Forth, commandant le détroit d’un côté et de l’autre la vallée, voici Stirling, le pendant d’Edimbourg et qui fut comme une seconde capitale du royaume. Une colossale forteresse domine la ville et les plaines d’alentour. Elle aussi couronne une colline abrupte, sorte de rocher à pic, hérissé de ce château qui fait bonne garde. Nous sommes entrés par une voûte sombre, sur le pont-levis abaissé. La citadelle enserre dans ses casernes un délicieux palais. Des remparts, j’ai vu un Highlander en sentinelle se promener l’arme au bras le long des chemins de ronde. Rien ne semblait changé depuis des siècles ; mais des sillons bien tracés rayaient de jaune et de vert le champ de bataille de Bannockburn. En face, sur une colline boisée, le monument de Wallace, autre sentinelle immobile et qui semble monter une garde d’honneur. A l’horizon, nous devinons la silhouette des Hautes-Terres d’où descendaient, comme d’un réservoir intarissable, les obstinés défenseurs de l’indépendance, héros et martyrs de la nationalité écossaise, vainqueurs avec Robert Bruce et vaincus avec Charles-Edouard.

La colline du Château s’abaisse doucement vers la ville. Nous avons suivi sa pente et rencontré l’église qui porte encore le nom des Greyfriars, moines gris. Jacques VI y fut couronné le 29 août 1567. Le comte de Mar tenait dans ses bras le prince, âgé de treize mois. Knox prêcha le sermon du sacre ; le comte de Morton et Lord Hume firent les sermens au nom du roi ; après la cérémonie, le comte de Mar rapporta le monarque dans sa nursery. Aujourd’hui, la petite ville mène sa vie tranquille dans les décors du passé. Nous avons vu la maison d’Argyle, vieil hôtel dans une cour exiguë. Il sert maintenant d’hôpital militaire. C’est un rappel, en terre d’Ecosse, de notre Hôtel de Cluny. Mais la petite façade Renaissance est lourdement flanquée d’une grosse tour féodale, tandis qu’à l’angle opposé, la pointe d’une poivrière se dégage des murs pour percer le toit. Les armes ducales s’étalent au-dessus de la porte dans un cadre de pierre, et des figures de soldats convalescens nous regardent derrière les petits carreaux des fenêtres aux frontons sculptés. Je me suis arrêté aussi devant le