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Quant à la prière connue, composée en un moment d’angoisse suprême et bien admissible, comme elle n’est pas conforme aux lois de la liturgie sacrée, elle ne peut être et n’a jamais été approuvée par l’autorité ecclésiastique.


C’est du Saint-Office qu’émanait ce communiqué, c’est-à-dire d’une congrégation qui a un caractère religieux par excellence ; qui peut évoquer à son ressort les questions de culte public, et qui n’approprie pas ses décisions aux vicissitudes de la politique courante. Il y avait un péril religieux : l’Autriche, la France, l’Espagne, terres qui donnèrent longtemps asile au joséphisme, au gallicanisme, au régalisme, et qui savent, pour les avoir jadis laissés planer sur leur sol et sur leur foi, comment ces nuages se forment et comment ils grossissent, multipliaient auprès du Vatican les paroles d’inquiétude. En chargeant le Saint-Office, et non point la secrétairerie d’Etat, de parer à ce péril par une déclaration formelle, le Pape a montré qu’il agissait, non en souverain temporel dépossédé, mais en souverain spirituel ; en annonçant d’avance à un journaliste de Turin la publication de ce communiqué, il a montré qu’il voulait avoir, aux yeux du monde catholique, la pleine initiative de cet acte. Une lettre pontificale parut le surlendemain, adressée au cardinal-vicaire, et dans laquelle Léon XIII mettait en relief, avec non moins de sérénité que de vigueur, le caractère purement négatif, exclusivement anticatholique, des efforts que tentent à Rome, auprès de la « religiosité » italienne, les diverses églises protestantes : cette lettre apportait au monde catholique un nouvel indice de l’inflexibilité de l’évêque de Rome.

Les organes des partis dynastiques auraient dû s’accuser eux-mêmes, accuser la hardiesse de leurs commentaires, l’exubérance de leurs espoirs, l’imprévoyance de leurs tentatives : car c’étaient ces commentaires, ces espoirs et ces tentatives qui avaient contraint le Vatican de rassurer les catholiques des deux mondes, ceux de l’ancien et ceux du nouveau, — ce nouveau monde dont Mgr Ireland, au lendemain même du communiqué, se faisait publiquement l’interprète au Vatican en proclamant le prix qu’attachent les catholiques d’Amérique à l’indépendance du pontife et au caractère international de la Ville éternelle.

Mais il semble au contraire que certains organes de l’Italie officielle fassent effort pour aggraver l’incident : on les voit sommer l’Etat d’user de ses droits, menacer l’Eglise d’un nouveau