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permis de n’appliquer notre effort qu’à une des parties du tout. Ce qu’on exige alors uniquement de nous, c’est de laisser voir, ou au besoin de mettre en lumière, les rapports de cette partie avec le tout, de la monographie avec l’ensemble ; et c’est pour me conformer à cette exigence qu’en limitant l’objet de ce court essai à la définition de la Littérature européenne, je ne devais pas oublier d’avertir que la littérature européenne n’est qu’une « branche, » ou, pour mieux dire, une province, et peut-être une étroite province, dans le champ presque infini de la Littérature comparée.


II

Si l’on disait que les études, et même les recherches de littérature comparée sont assez récentes en France, on aurait tort et on aurait raison. On aurait raison, si l’on faisait observer qu’à Paris, au moment même où j’écris, tant à la Sorbonne qu’au Collège de France, il n’existe pas une seule chaire de littérature comparée ; mais on aurait tort, si ces recherches, inaugurées par Mme de Staël, au début du siècle qui va finir, et continuées par toute une école dont les deux Schlegel, Sismondi, Fauriel, Jean-Jacques Ampère, F. Ozanam, sont les principaux représentans, se trouvent être vraiment françaises d’origine. Nous sera-t-il permis de rappeler que la Revue des Deux Mondes s’est longtemps honorée d’en entretenir la tradition ? et ce n’est pas sa faute, mais celle des circonstances, ou peut-être aussi des écrivains, si la curiosité publique, depuis vingt-cinq ou trente ans, s’est un peu détournée chez nous de ce genre de travaux. Ils sont de ceux qui ont besoin d’être comme encouragés par une certaine complicité de l’opinion littéraire ; et, sans doute, cette complicité, dans ces derniers temps, n’a fait défaut ni aux admirables études de M. E.-M. de Vogüé sur le Roman russe, ni, quelques années auparavant, à celles d’Eugène Fromentin sur les Maîtres d’ autrefois, — lesquelles rentrent par tant de côtés dans la définition de la littérature comparée ; — mais nous ne pouvons pas ne pas nous souvenir de la longue indifférence que la même opinion a témoignée pour les travaux d’Emile Montégut, l’homme qui peut-être aura le plus contribué, dans notre siècle, à faciliter, par l’intermédiaire de la critique française, la communication ou l’échange entre les littératures du Nord et