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par exemple, où, une fois maîtresse du plateau central, la France a pu choisir librement son heure pour s’avancer vers l’Ouest ou vers le Sud, sans craindre qu’un retard suffît à compromettre son extension future. Si, en revanche, l’on considère un continent où le premier comptoir installé sur la côte ne vit que des produits amenés de l’intérieur, où des comptoirs voisins cherchent à l’anémier par le détournement de son trafic, où ses concurrens s’appliquent à le prendre à revers en s’emparant des contrées qui l’environnent et lui procurent sa clientèle, on s’avise tout aussitôt que la même méthode de développement, recommandable ailleurs, serait ici désastreuse, et que la prudence suprême se confondrait avec la suprême imprévoyance.

Nulle part cette loi essentielle de l’expansion coloniale ne se révèle sous une plus éclatante lumière que dans la boucle du Niger. Sans les efforts énergiques de nos explorateurs en 1896 et 1897, trois de nos établissemens auraient été arrêtés dans leur essor, frappés d’une stérilité en quelque sorte congénitale, voués pour jamais à végéter misérablement. On peut même dire que ces efforts sont venus trop tard pour assurer la croissance ultérieure de ces colonies dans des conditions absolument favorables : les regrettables conséquences du ralentissement de notre activité durant les quelques mois qui avaient précédé n’ont pu être complètement réparées, et les progrès du Dahomey, de la Côte d’Ivoire et du Soudan français en seront pour longtemps entravés.


I

« Jetons un instant les yeux sur une carte de l’Afrique occidentale. Nous voyons un puissant fleuve, le Niger, décrire une vaste courbe d’Akassa, où il se jette dans la mer, aux montagnes du Fouta-Djallon, où il prend sa source au nord-est de Sierra-Leone. Entre ce fleuve et la côte s’étend une énorme contrée aussi grande que l’Europe, fertile, avec une population très dense en général, et extraordinairement riche. C’est le Soudan occidental. Tout le long de la côte se trouvent des colonies européennes, plusieurs anglaises et françaises, une allemande, une portugaise, ainsi qu’une république indépendante. Si nous commençons par le Nord, ce sont d’abord le Sénégal ou Sénégambie (à la France), au milieu duquel s’enfonce, comme un coin étroit, un territoire