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avec une entière modération, mais une absolue fermeté. De leur côté, aux exigences intransigeantes des négociateurs anglais, les commissaires français répliquaient par la seule affirmation de leur volonté de trouver, d’un commun accord, une base équitable de délimitation ; ils ne s’obstinaient dans aucune revendication déterminée ; ils voulaient seulement sauvegarder les intérêts essentiels dont ils avaient la défense, à savoir la jonction du Soudan français aux colonies côtières et l’accès de ces colonies au Niger avec la libre navigation du fleuve. On discuta près de neuf mois avant de pouvoir s’entendre. De ce laborieux effort sortit enfin la convention anglo-française du 14 juin 1898.

Cette convention attribue à la France Bouna, une partie du Gourounsi, le Mossi et le Gourma, c’est-à-dire les contrées les plus riches des territoires contestés, celles aussi qui réunissent les possessions françaises du haut et moyen Niger avec les établissemens de la côte et constituent ainsi le « solid compact » de notre domination dans l’Afrique occidentale. En revanche, la Côte d’Or anglaise avance sa frontière septentrionale au 11e parallèle ; la partie orientale du Borgou, suivant une ligne qui descend d’Ilo vers Tabira, laissant Nikki à la France, échoit en outre à la Grande-Bretagne. La France ne se trouve pourtant pas exclue par là de l’accès au bas Niger : deux emplacemens propres à l’établissement de ports commerciaux lui ont été cédés à bail par l’Angleterre pour une durée de trente années et avec faculté de tacite reconduction, l’un sur l’une des embouchures du Niger, l’autre sur la rive droite, entre Léaba et le confluent de la rivière Moussa ou Mochi. Un autre article de la convention ayant stipulé que, durant le même délai, les deux puissances s’interdisent d’appliquer aucun traitement différentiel à leurs sujets et à leurs marchandises dans la plus grande partie des territoires visés par le traité, l’accès du fleuve et sa libre navigation sont enfin implicitement garantis<ref> La convention du 14 juin 1898 contient encore diverses clauses avantageuses à la France : au nord-ouest du Sokoto, la frontière a été ramenée de Say a Ilo ; l’Angleterre nous a reconnu les rives Nord, Est et Sud du lac Tchad à partir de l’intersection du 14e parallèle Nord avec la rive occidentale du lac. </<ref>.

Ainsi fut réglé, sans que cela constituât un triomphe intégral pour aucune des deux parties, mais du moins à leur satisfaction respective suffisante, un conflit qu’on s’était vainement efforcé outre-Manche de rendre tragique : il y avait seulement fallu de