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VOYAGE AU JAPON

IV[1]
L’ESPRIT RELIGIEUX


I.

L’empire Japonais compte environ trois cent mille temples, chapelles, sanctuaires bouddhistes ou shintoïstes, et cent cinquante mille prêtres, moines prêcheurs, grands prêtres et grandes prêtresses. Ses routes sont pleines de pèlerins, pèlerins des Cent Temples, pèlerins de la Province de l’Est, mendians des Quatre Provinces, les uns portant des cloches, les autres de petits tambours. Comme la Bretagne ses calvaires et ses vieux saints de granit, les campagnes et les collines du Nippon possèdent leurs Bouddhas sculptés dans le bois ou la pierre et qui, la mitre en tête, la crosse en main, ressemblent parfois à nos gothiques évêques. Partout, dans les ruelles silencieuses, sur les sommets solitaires, près des maisons de thé, le long des champs, parmi les rivières quand les épis se lèvent, suspendu au linteau des portes, aux branches des arbres ou à un bâton fiché en terre, le gohei, dentelle de papier, épouvantait des sauterelles et des oiseaux, mais symbole divin et dieu lui-même, chasse les corbeaux et les matins esprits, protège les moissons et les âmes. Le soir, à Tokyo, en plein hiver, par la pluie et la boue, je rencontrais

  1. Voyez la Revue des 15 décembre 1899, 15 janvier et 1er mars 1900.