Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

génial de ces frères valaques qui fondèrent la dernière dynastie bulgare : il s’appelait Johannitsa (Petit-Jean) ou Kalojean (Jean le Beau) ; mais il avait déjà fait tant de mal aux Hellènes, saccageant leurs villes, égorgeant leurs prisonniers, qu’ils l’avaient surnommé Skylo-Johannès (Jean le Chien). Il porte dans l’histoire un autre surnom : celui de Romaioctone, le « tueur de Grecs, » par opposition au Bulgaroctone Basile II. Ainsi se perpétuait tout au long des annales, à travers les retours de la fortune capricieuse, en des sobriquets truculens et macabres, la haine inexpiable des races combattant pour l’éphémère hégémonie de l’Orient, tandis qu’à l’horizon de l’Est lointain apparaissait le grand « tueur » des Bulgares comme des Grecs, l’héritier de cet Osman dont le nom turc signifie le « briseur d’os. »


IX

Il nous reste à chercher pourquoi Constantinople, en 924, à l’apogée du tsar Siméon, ne put devenir la capitale d’une Bulgarie s’étendant sur toute la péninsule, et pourquoi, à la fin du Xe siècle, ce fut le Basileus et non pas le tsar qui établit sur la région tout entière son autorité souveraine.

A ces deux momens il y avait entre les deux empires une apparente égalité de force ou d’infirmité. Dans la péninsule, la race grecque, alors comme aujourd’hui, était numériquement plus faible que la race bulgare, surtout quand celle-ci se renforçait de contingens serbes et croates. En revanche, la puissance de la race grecque en Europe se doublait de celle que possédait cette même race dans les provinces d’Asie. Si on allègue que dans celles-ci l’hellénisme avait à lutter contre l’indocilité des dynastes arméniens et caucasiens et contre les derniers efforts de l’islamisme arabe, il faut se souvenir que la Bulgarie, sur la frontière du Nord, eut à combattre les Russes, les Petchenègues et les Hongrois. Incommode voisine pour l’empire grec, elle lui rendit du moins le service de recevoir les coups qui, auparavant, s’adressaient à lui seul. Elle tenait à grande distance de Constantinople les invasions barbares. Si, du côté du Sud, elle inquiétait l’hellénisme, elle lui servait de boulevard du côté du Nord. Elle prit à son compte une cause de faiblesse qui jadis incombait directement à la monarchie « romaine. »