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parti que sa popularité a désigné à l’avance pour cette mission. Parfois c’est un riche financier qui, se sentant du goût pour la politique, met sa fortune au service de la cause qu’il épouse et se lance résolument dans la mêlée pour frayer la voie au candidat de son choix. Tel a été, en 1890, le cas de M. Mark Hanna, banquier de l’Ohio (aujourd’hui sénateur), inconnu la veille en dehors d’un cercle assez restreint de politiciens et qui, après avoir pris en main, comme un véritable général en chef, la direction de la campagne républicaine, est devenu tout à coup l’homme le plus en vue de son parti, qu’il se flatte cette fois encore de mener à la victoire.

C’est en effet une sorte de généralat qu’exerce celui qui assume la responsabilité de préparer le succès d’une élection présidentielle et cette qualification militaire se retrouve à chaque instant dans les bulletins électoraux des Etats-Unis. « Suivre pendant vingt-quatre heures les mouvemens du sénateur Hanna ou du sénateur Jones[1], — pouvait-on lire, il y a quelques semaines, dans le Herald[2], — c’est s’initier au problème le plus complexe qu’on puisse imaginer… Ces deux grands généraux de la campagne de 1 900 apportent dans l’organisation de la machine électorale un tel souci de perfection qu’on pourrait croire qu’ils n’ont plus d’autre perspective ici-bas que d’élire des présidens… Chacun de ces deux chefs marque sur sa carte la répartition du travail en réservant les grosses responsabilités à ses collaborateurs immédiats. Ceux-ci ont à leur tour sous leur juridiction directe vingt ou trente, au besoin cent agens chargés de surveiller les détails et d’assigner leurs tâches à des centaines de subalternes, qui attendent d’eux leur consigne. La campagne une fois engagée, les agens placés au bas de l’échelle font leurs rapports à leurs supérieurs comme dans l’armée le lieutenant fait son rapportait capitaine. Le capitaine en agit de même à l’égard de son major, le major vis-à-vis de son colonel, le colonel de son général. Quand la situation devient menaçante, les généraux, (Hanna ou Jones suivant le cas,) dûment avertis, avisent aux moyens d’écarter le péril. »

On voit le rôle capital que jouent pendant toute cette période les présidens des Comités nationaux. Leur importance est telle que leur personnalité va presque de pair, dans les

  1. Le sénateur Jones est président du comité national démocratique.
  2. 5 août 1900.