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Telles sont les reliques sincères et authentiques du dernier roi de Grenade, trophées de la journée de Lucena. J’ai dit sincères et authentiques, parce qu’il en existe beaucoup d’autres. Chaque jour, la critique en fait justice, et ce n’a pas été un des moindres mérites du comte de Valencia d’avoir supprimé, à l’Armeria de Madrid, toutes ces attributions romantiques qui ne tendaient à rien moins qu’à gratifier Boabdil de toutes les armes de Maximilien et de Philippe le Beau. Ce dernier, notamment, doit au savant conservateur de Madrid d’être rentré dans ses biens. Et nous pouvons admirer en ce moment, parmi tant d’autres richesses de cet Armeria, unique, on doit le dire, les merveilleux casques de parement que les inventaires du temps ont toujours donnés pour avoir appartenu au roi Philippe et non point au roi Boabdil, dont le nom ne figure même pas dans les inventaires des rois catholiques. Et c’est pourquoi nous commencerons l’examen des richesses d’art, exposées par la couronne d’Espagne, avec les casques de parement qui furent ceux de Philippe le Beau. Il est certain que le caractère général des entrelacs qui les rehaussent a pu être, à l’époque romantique, un bon motif d’erreur.

Quand on considère la superbe salade et la mirifique barbute touchées d’argent, incrustées d’or, qui brillent dans cette. vitrine du rez-de-chaussée, comme deux perles irisées, on est, malgré soi, porté vers des splendeurs orientales. Mais à Venise, et en d’autres villes d’Italie, on s’inspirait volontiers des motifs orientaux, aussi bien dans l’ornement des tissus que dans celui des armures. L’origine italienne de ces casques ne peut être discutée, tous deux portent le poinçon des fameux Negroli de Milan, des clefs croisées, en sautoir, sous une couronne fleuronnée. L’inventaire illustré de Charles-Quint signale la barbute et la salade comme venant des Flandres, comme ayant appartenu à Philippe le Beau. Il en donne même les figures, et aussi des baviôres ou masques mobiles, qui ont malheureusement disparu avec les cimiers : un anneau surmontant la crête de la barbute, un ornement en grenade ovoïde pour la salade. La seule hésitation possible porte aujourd’hui sur Maximilien et sur son fils Philippe. Peut-être les Negroli avaient-ils fabriqué ces pièces hors de pair pour l’empereur qui les laissa à son fils. On n’est pas fixé sur ce point, et encore est-il d’un petit intérêt.

On sait que l’on entendait, aux XIVe et XVe siècles, par barbute, un casque léger fait, tout d’abord, à l’exemple de celui que