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longtemps les rigueurs du climat, succombait au milieu de ses compagnons désolés. L’exactitude des observations, telles au moins qu’elles sont relatées dans le récit de G. Newnes, se ressent de la disparition de l’observateur compétent. Et d’abord ces pingouins sont des manchots : les pingouins sont propres au pôle Nord : les manchots sont des oiseaux du pôle Sud. Ils n’appartiennent ni à la même espèce, ni au même genre, pas seulement à la même famille. Ces pseudo-pingouins sont, en réalité, des manchots, et même à ce qu’il semble les deux espèces précisément que la Belgica trouvait sur la banquise de la Terre de Graham, le manchot géant de Forster, et celui de la Terre Adélie.

Toujours est-il que les manchots arrivèrent pour s’apparier et pour pondre dès le milieu d’octobre. Ils étaient en foule innombrable. Le 3 novembre, on recueillait les premiers œufs. Douze jours plus tard, les membres de l’expédition en avaient déjà récolté 4 000. C’était une précieuse réserve alimentaire que l’on conserva avec soin dans le sel. Les œufs, généralement au nombre de deux, sont déposés dans un nid très rudimentaire que l’animal construit avec des cailloux rangés en cercle. Le manchot antarctique y emploie encore d’autres matériaux, et, par exemple, les ossemens de ses congénères laissés sur la place. Dans cette construction très simple, « tombeau de ses aïeux et nid de ses amours » au sens propre du mot, la femelle dépose ses œufs ; elle les couve avec l’aide du mâle, en surveille avec lui l’éclosion, et les deux parens, à tour de rôle, donnent la pâtée aux jeunes.

Cette pâtée, ils se la procurent en plongeant dans la mer, dans ces bancs de petits crustacés et d’autres animalcules qui constituent ce que nous avons appelé tout à l’heure le plancton. Le menu de leurs repas n’est pas composé de cailloux, comme G. Newnes le fait dire à Borchgrevink : ceux que les explorateurs trouvaient au dépeçant l’animal, comme ceux que l’on rencontre dans le gésier des poulets, sont introduits en supplément pour aider à la trituration des alimens véritables.

Dans ce premier âge les jeunes ont un ennemi redoutable, le goéland brun, l’oiseau agressif et pillard dont nous avons dit plus haut les habitudes rapaces. Les jeunes qui ont échappé au danger — et c’est naturellement le très grand nombre — prennent rapidement des forces, et à la fin de l’été antarctique, en mars ou avril, ils partent avec leurs parens et retournent sur la banquise. Les compagnons de Borchgrevink assistèrent à cette émigration,