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« Prêchez d’exemple en prouvant la valeur de la liberté, et vous arriverez au but prochain : la République universelle. »

La nouvelle de la capitulation de Metz, dont Félix Pyat avait surpris la primeur pour son journal Le Combat, et la colère causée par l’évacuation du Bourget, avaient, le 31 octobre 1870, entraîné certains bataillons de la garde nationale à donner comme une répétition du drame futur ; l’exaspération patriotique, ce jour-là, avait singulièrement secondé la tentative de Flourens. Et lorsque, en mars, les forcenés qui tuaient le général Clément Thomas lui criaient à tue-tête : « Tu nous as trahis à Montretout ! » ils affichaient un rôle de vengeurs de la patrie, qui, chez plusieurs d’entre eux, était sans doute sincère.

Mais, dans le Journal Officiel de la Commune, l’idée de République universelle surgit. Delescluze, dès la première séance, le 28 mars, fait proclamer que le Comité central de la fédération de la garde nationale a bien mérité de la République universelle ; et, prenant, en mai, la direction des opérations militaires, il écrit à la garde nationale : « Votre triomphe sera le salut pour tous les peuples. Vive la République universelle ! » C’est à titre de soldats dévoués de la République universelle que Frankel, tout Hongrois qu’il fût, est validé dans son office de membre de la Commune ; que Garibaldi est réclamé, vainement d’ailleurs, comme général en chef ; que son fils Menotti est l’objet d’une élection dont il décline l’honneur ; que Dombrowski, un Polonais, est investi du commandement de la place de Paris, et qu’autour de lui se pressent d’autres auxiliaires exotiques, qui s’appellent Rozwadowski, Kamienski, Rogowski, Györöck, Lukkow, Wroblewski : ayant fait blanc de leur épée, entre 1848 et 1870, dans les diverses émeutes européennes, ils étaient tous comme les officiers prédestinés d’une armée nouvelle, dont la Commune ménageait les premiers cadres, armée cosmopolite mise au service de la « liberté. » Rousselle, chargé de relever et de soigner les blessés de la Commune, s’intitulait « directeur général des ambulances de la République universelle » ; et la « section républicaine belge des Etats-Unis d’Europe » acclamait dans la Commune un mouvement cosmopolite pour l’émancipation des peuples. Telle était l’ampleur de l’idée de République, que, lentement, elle englobait et écrasait celle de patrie : l’heure était proche où ce dernier terme serait suspect. Le 13 mai, on voulut féliciter, pour un fait d’armes, le 128e bataillon : l’on déclara,