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à marquer brièvement l’opposition de l’esprit de la Réforme et de celui de la Renaissance.

On a souvent affecté de les confondre, et, sous le prétexte spécieux que la Renaissance et la Réforme auraient abouti finalement l’une et l’autre à « l’émancipation de l’esprit moderne, » de nombreux historiens y ont vu, veulent y voir encore aujourd’hui, deux mouvemens d’idées connexes et solidaires l’un de l’autre. Mais, en réalité, la Réforme et la Renaissance ne sont que contemporaines, ce qui n’est pas du tout la même chose ; et deux ou trois caractères qu’elles ont eus sans doute en commun ne les ont pas empêchées de se contrarier et de se combattre par tous les autres. Humanistes ou réformateurs, les uns et les autres se sont attaqués aux mêmes ennemis, — la scolastique, les moines, l’Eglise, — et ainsi, une haine commune pour le moyen âge a donc pu, en plus d’une occasion, les réunir ou les coaliser. Les uns et les autres, ils ont essayé de secouer les contraintes qui retenaient l’individu dans la subordination de la chose publique, et, à cet égard, on peut dire que, des Epicuriens italiens du XVe siècle aux Anabaptistes du XVIe, la différence n’est après tout que celle des courtisans de Léon X ou de Laurent de Médicis aux grossiers paysans de la Souabe ou de la Westphalie : il y a, je ne veux pas dire un excès, mais plutôt une déviation de la civilisation dont les effets moraux ressemblent à ceux de la barbarie. Et on peut encore ajouter qu’humanistes et réformateurs, dans la lutte qu’ils ont entreprise contre l’esprit du moyen âge, ayant rencontré les mêmes adversaires, c’est donc aussi, pour en triompher, les mêmes armes qu’ils ont empruntées les uns et les autres à l’antiquité. Mais, s’il y a deux antiquités : la païenne et la chrétienne ; si ce ne sont pas tout à fait les mêmes leçons qu’on puise dans Cicéron et dans saint Paul ; si, de ces deux antiquités, la seconde ne s’est-établie que sur les ruines de la première, ici déjà paraît la différence, et, on va le voir, elle est tout de suite considérable.

Je lis, dans un des opuscules français de Calvin : Excuse de Jehan Calvin à Messieurs les Nicodémites, sur la complaincte qu’ils font de sa trop grand’rigueur, 1544, le passage que voici :

Il y a la première… il y a la seconde… et il y a la troisième espèce, de ceux qui convertissent à demi la chrétienté en philosophie, ou pour le moins ne prennent pas les choses fort à cœur, mais attendent, sans faire semblant de rien, voir s’il se fera quelque bonne réformation. De s’y employer, en