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si précise et si ferme, Calvin n’oubliait-il pas son Traité des Reliques ?

Cependant, parmi tant de travaux si divers, sa santé déclinait tous les jours, et ni son intelligence ne s’obscurcissait, ni son énergie ne ployait, mais ses forces s’usaient dans la multiplicité de ses occupations. Trop de soins se le disputaient, dont son activité fébrile n’en voulait abandonner ou déléguer aucun à personne. Il prêchait au temple, il enseignait à l’Académie, il requérait au Consistoire, il travaillait à la consolidation de son œuvre et à la propagation de sa doctrine. « Il inondait de ses livres et de ses missionnaires la France, les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Ecosse, la Pologne. » Autour de lui, dans Genève même, il formait des Eglises italienne, espagnole, anglaise, écossaise, flamande. Quand, au mois de février 1564, la maladie l’obligea de renoncer à l’enseignement et au prêche, il ne cessa pas pour cela de s’occuper des affaires de la république et de la « religion. » D’ailleurs, maître de lui jusqu’au dernier moment, et « tout contraire aux autres malades, dont les sens, quand ils approchent de la mort, s’évanouissent et s’égarent, » ni son orgueil ne l’abandonna, ni sa confiance en soi-même, ni surtout ses rancunes. Le 28 avril, en présence des ministres, assemblés par son ordre pour recevoir ses derniers adieux, et tout en protestant « de n’avoir écrit aucune chose par haine à l’encontre d’aucun, » il insultait encore ses adversaires. C’était eux, à l’entendre, qui l’avaient assailli « de combats merveilleux, auxquels, pauvre escholier timide, » il n’avait constamment opposé que la vérité du Dieu qui parlait par sa bouche. Pendant tout un mois que durait sa lente agonie, pas un doute n’effleurait son âme dure et impitoyable, un regret, un remords. Tout ce qu’il avait fait était bien fait ! Et il expirait enfin, le 27 mai, paisiblement, à huit heures du soir, de telle sorte que, comme dit Théodore de Bèze, « en un même instant ce jour-là le soleil se coucha, et la plus grande lumière qui fut au monde pour l’adresse de l’Église de Dieu, — pour la conduite ou pour la direction, — fut retirée au ciel. » Il n’avait pas encore cinquante-cinq ans.


VI

Son œuvre française, on l’a vu, ne fait que la moindre partie de son œuvre littéraire, cinq ou six volumes à peine sur