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l’hospitalité, s’est écrié qu’il mourait pour son roi et la religion catholique, apostolique et romaine. Le deuxième, Charbonnelle-Jussac, qui avait salué fort tranquillement de droite et de gauche, le long de la route, s’est écrié aussi : — Vive le roi ! Adieu, brigands. Enfin, le troisième, Dominique Allier, après le même cri de : Vive le roi ! a ajouté : — Un roi est un Dieu sur la terre. »

Au moment où ces malheureux payaient de leur vie les criminelles représailles auxquelles ils s’étaient livrés contre des républicains qu’ils rendaient responsables des crimes de la Terreur, le marquis de Surville n’existait plus. On venait d’afficher dans Lyon le jugement en vertu duquel il avait péri. Moins compliquée ou plus rapidement close que celle du procès de Lyon, l’instruction dirigée contre lui avait permis de le traduire, dès le 17 octobre, devant la commission militaire du Puy qui ne fut pas moins expéditive que le conseil de guerre du Rhône. Il y comparut sous le nom de Jean-Louis-Amand Tallard, qu’il persistait à se donner, mais « présumé être l’ex-marquis de Surville, ex-capitaine au régiment de Pondichéry, prévenu d’émigration. » Comme il fallait avant tout établir judiciairement son identité, on avait recruté à Viviers, pays originaire de sa famille, où il s’était marié et résidait souvent avant la Révolution, onze témoins qui devaient être entendus aux débats et confrontés avec lui. Un seul d’entre eux déclara « n’être point intimement persuadé que ledit prévenu fut effectivement le marquis de Surville. » Les dix autres, en revanche, affirmèrent que c’était bien lui. Sa figure était charmante, « une figure qu’on n’oublie pas quand on l’a vue. » Une cicatrice à la tempe droite aida à le faire reconnaître, d’autant plus que les huit années qui s’étaient écoulées depuis son émigration ne l’avaient que très peu vieilli. Convaincu d’être l’ex-marquis de Surville, il fut condamné.

Pendant que les juges délibéraient, on l’avait, selon l’usage, ramené dans sa prison. Après qu’ « en présence de la garde assemblée sous les armes, » lecture lui eut été donnée du jugement, il se décida à faire l’aveu de son identité. Il déclara qu’il avait reçu les pouvoirs du Roi à l’effet de soulever trente départemens et de renverser le gouvernement républicain. Sans désigner ni les lieux, ni les personnes, il prétendit avoir des complices parmi les plus hauts fonctionnaires, et qu’il les nommerait à Barras ou à tout autre membre du Directoire, si on voulait le conduire à Paris. Pressé de questions, il refusa d’y répondre. Dans la soirée, il