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nulle part comment et par qui, au lieu d’être expédiées à leur adresse, elles furent livrées à l’autorité militaire. On doit à cette circonstance de les voir figurer dans le dossier très incomplet de Surville, conservé aux Archives nationales de France. L’une d’elles destinée à l’ancien commissaire de police Mesnard, place Grolée, à Lyon, donne à penser que c’est à lui qu’avait été confié, au moins en partie, le manuscrit des poésies. « Vous voudrez bien, mon cher Mesnard, faire parvenir à celui qui vous enverra ce billet le peu de papiers, écrits de ma main, que je vous ai confiés à mon départ de Lyon. On les fera parvenir à mon épouse. Recevez les adieux d’un homme qui vous estime et qui vous honore, et qui veut en ce moment, sans vous compromettre en rien, vous donner cette marque de ses regrets et de son amitié. Prenez soin de ma mémoire. Adieu. Mesnard. » Par une autre lettre, le condamné chargeait un sieur Lerat, tenant l’Hôtel National à Lyon, de remettre son portemanteau à la citoyenne Branche Cadette, femme de Beaujolais ( ? ) « Je lui donne tout ce qu’il y a dedans, faute de mieux. Vous obligerez sensiblement celui qui vous fait ses derniers adieux. »

La dernière de ces lettres était écrite pour cette chanoinesse de Polier, directrice du Journal littéraire de Lausanne dont nous avons déjà parlé. « Il est des circonstances, Madame, où l’on ne peut écrire que des billets, lui disait Surville. Je vais, sous peu d’instans, me faire casser la tête. Il ne me sera plus possible d’avoir quelque légère part à la confection de votre journal intéressant. Je vous prie d’en adresser quelques numéros à mon épouse, qui les lira avec le plus vif intérêt. Adieu donc pour jamais, adieu, ma chère et très honorable correspondante. Dans une heure, peut-être, je vais paraître au grand tribunal. Je me recommande à vos prières, à votre souvenir, à celui de tout ce qui vous est cher. Mme de Surville, qui possédera bientôt quelques articles de Clotilde, aura l’honneur de vous en faire part. Elle mérite à tous égards que vous entreteniez une correspondance avec elle. Recevez mes adieux avec la sensibilité que j’éprouve moi-même. Il m’est bien doux de trouver une âme honnête à qui je puisse confier sans crainte les sentimens de respect, de reconnaissance et d’estime que vous m’avez inspirés. » En transmettant cette correspondance au ministre de la Justice, le général Pille ajoutait ces trois lignes grosses de menaces, pour deux des correspondons de Surville ; » Vous verrez quel usage vous en ferez. Quant à