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chinoise, même, semble-t-il, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe, si l’homme tué était un étranger. Les marchands et leurs employés ne pouvaient résider à Canton, seul port qui soit resté constamment ouvert de 1684 à 1842, que pendant la saison des affaires et seulement dans d’étroites factoreries où ils étaient parqués. Les envoyés des souverains d’Europe étaient conduits à Pékin sous bonne escorte et se prosternaient devant l’Empereur, acceptant ainsi pour leurs maîtres la qualité de tributaires. Parfois, sans motif apparent, on résistait à ces exigences pour les subir bientôt après : ainsi les Chinois ne pouvaient voir aucune raison dans une conduite aussi contradictoire. C’était, de la part des étrangers, accréditer l’idée qu’ils n’étaient que des barbares, prêts à subir toutes les avanies, pourvu que leur commerce prospérât.

Les guerres et les relations d’affaires, depuis 1840, ont montré à la Chine que les États étrangers sont plus forts qu’elle, que, sur un petit nombre de points, ils sont toujours d’accord, mais que, dans la plupart des cas, il est facile de les opposer les uns aux autres : si la raison n’est pas la même à Londres ou à Berlin qu’à Pétersbourg, en quoi celle que l’on suit à Pékin serait-elle inférieure ? et si l’usage de la force a trahi la Chine, la fortune ne peut-elle pas tourner ? Ce ne sont pas, je le veux bien, les sentimens de tout un peuple, mais ce sont sans doute les vues de ceux qui dirigent, soit qu’ils cherchent à nous imiter pour nous résister, soit que, de nous, ils repoussent tout indistinctement. Les traités imposés ont introduit, au moyen du canon, les principes d’un droit des gens nouveau pour la Chine, après quoi les meilleurs ouvrages ont été traduits pour les lui faire connaître. Ces principes, résultant chez nous d’une évolution séculaire, les Chinois en pourraient juger à l’usage : mais, qu’il s’agisse de guerre ou de paix, lequel de ces principes n’a pas été violé par un État civilisé à l’égard d’un autre ? L’histoire, depuis cent ans, suffit à répondre. Que si l’information des Chinois est trop pauvre en cette matière, ils peuvent se rappeler leurs relations avec l’étranger, depuis qu’ils ont été tirés de force dans la société des nations. L’Europe leur a imposé l’opium, leur a fait la guerre sans déclaration, s’est emparée de leurs ports sans état de guerre ; tout cela était amené par leurs confiscations, par leur mauvaise foi, par leurs meurtres, je l’accorde. Mais, si nous sommes en droit de nous plaindre, avons-nous lieu d’être surpris qu’ils oublient à l’égard de nos ambassadeurs ce droit