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D’une entreprise trop hardie,
Il tente la voye des Cieux ;…


Son Discours au Roi sur la Poésie ; son Poète courtisan, bien qu’il n’ait paru qu’on 1559 ; et encore, l’Abbrégé de l’Art poétique de Ronsard, ou ses préfaces pour la Franciade, sont ici ce que l’on peut appeler des documens nécessaires de la cause. Une doctrine littéraire, sans cesser pour cela d’être elle-même, et la même, se précise en s’appliquant ; elle s’enrichit, en les absorbant ou en se les incorporant, des objections qu’on lui oppose ; elle se corrige en se développant. C’est ce que l’on va voir dans cette esquisse de la poétique de la Pléiade ; et, si peut-être on disait que c’est là bien de l’appareil pour l’interprétation d’un texte qui n’est ni si long ni si difficile à lire, nous répondrions qu’il faut faire attention que l’importance de ce texte passe, dans l’histoire de notre littérature, et dans celle de la formation de l’idéal classique, tout ce qu’on en a pu dire.


I

Quant à moy, si j’estoy enquis de ce que me semble de noz meilleurs poëtes François, je diroy’, à l’exemple des stoïques qui, interrogués si Zénon, si Cléanthe, si Chrysippe sont sages, répondent certainement ceux-là avoir été grands et vénérables, n’avoir eu toutefois ce qui est le plus excellent en la nature de l’homme : je respondroy’, dy-je, qu’ilz ont bien escript ; qu’ilz ont illustré notre langue ; que la France leur est obligée ; mais aussi diroy-je bien qu’on pourroit trouver en notre langue, si quelque sçavant homme y vouloit mettre la main, une forme de poésie beaucoup plus exquise… (Illustration, Livre II, chap. II).


Voilà, je pense, l’intention de la Pléiade nettement et très simplement définie par les auteurs de la Défense et Illustration : ils ne se sont proposé que de relever la poésie de la condition, à leur avis médiocre, où elle végétait avant eux ; et toute leur érudition, tout leur enthousiasme, toute leur subtilité ne se sont employés qu’à définir ou à préciser, en conséquence, les moyens de ce relèvement. Il n’y avait rien là que de facile, semblera-t-il peut-être ! En fait, et à vrai dire, c’était toute une révolution. [1]

  1. Je cite ici le texte de l’Illustration d’après l’édition qu’on en pourrait appeler définitive, un vol. in-4o. Paris, 1561, Frédéric Morel ; et je prie le lecteur de vouloir bien observer combien l’orthographe en est plus voisine de la nôtre qu’on ne le croirait à lire les éditions de nos jours.