Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

négociations qui viennent de s’ouvrir. Il est mieux à même que personne d’y apporter un élément modérateur. Le prince Ching a donc reçu la note des Puissances et s’est empressé de la transmettre à son gouvernement. On regarde comme probable que celui-ci y fera un bon accueil. La note, après avoir subi beaucoup d’amendemens et être passée par des rédactions assez variées, est au total modérée. Les exigences premières, au sujet de la punition à infliger aux principaux auteurs des massacres et des incendies, ont été maintenues en principe, comme elles devaient l’être, mais adoucies dans la forme. Lorsqu’on lit cette note finale et qu’on la rapproche des propositions françaises du 30 septembre dernier, on s’aperçoit qu’elle n’en diffère sur aucun point essentiel. Les principes que M. Delcassé avait posés ont été admis par tout le monde, et seulement complétés ; mais les adjonctions qui ont été faites, utiles sans aucun doute, sont d’une importance moindre. On se demande ce que les puissances ont fait pendant ces trois mois. On ne cesse pas de s’étonner du temps qu’il leur faut pour conclure, même lorsqu’elles sont d’accord, ou du moins qu’elles le disent. C’est une lente et pesante machine que met en mouvement le concert des Puissances ; l’expérience qui vient d’en être faite l’a prouvé une fois de plus. Cependant il ne faut pas en médire. Félicitons-nous plutôt de ce que, malgré des tiraillemens en sens divers, l’entente se soit maintenue jusqu’au bout. On s’effraie à la pensée de ce qui serait arrivé, s’il en avait été autrement.

Il y aurait quelque témérité à essayer de prévoir la réponse du gouvernement chinois : on croit qu’elle sera satisfaisante, et nous voulons l’espérer. Quelques personnes ont exprimé le regret que les troupes alliées, après être entrées à Pékin, n’y aient pas fait plus de dégâts matériels. — Pourquoi, disent-elles, n’a-t-on pas rasé les fortifications de la ville et le Palais impérial ? Les fortifications n’ont pas d’importance militaire et ne sauraient arrêter une armée européenne ; mais leur démolition n’aurait-elle pas agi puissamment sur l’imagination des Chinois ? — Cela est possible, et peut-être, en effet, aurait-on pu démolir les fortifications de Pékin ; mais toucher au Palais impérial aurait été une faute grave, dont nous nous serions ensuite repentis longtemps. Notre principale raison de penser que le gouvernement chinois se soumettra aux conditions imposées par la note collective est le désir qu’ont l’empereur, l’impératrice et tous les princes et mandarins de leur entourage, de revenir à Pékin et d’y reprendre leurs anciennes habitudes. Un gouvernement se lasse vite d’être nomade ; il recule aussi devant la pensée de faire au loin